La Gallia Aquitania ou plus simplement Aquitania, fut l'une des trois grandes entités territoriales et ethno-culturelles identifiées par César au sein de la Gaule indépendante, au cours de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.). Le territoire des Aquitani (Aquitains) était limité au nord et à l'est par la Garonne et au sud par les Pyrénées. Selon César, les habitants de cette région différaient des deux autres grandes populations de Gaule par le langage, les institutions et les lois (Guerre des Gaules, I, 1). D'après ce même auteur, c'est sur ce territoires qu'étaient établis les Ausques, Bigerrions, Cocosates, Élusates, Garumnes, Gates, Ptianes, Sotiates, Sibuzates, Tarbelles, Tarusates et Vocates.
La province romaine d'Aquitaine
Au lendemain de la conquête romaine, les différentes cités de Gaule furent rattachées administrativement à la province de Gaule transalpine et amalgamée sous le nom de Gallia Comata (la Gaule chevelue) ; par opposition aux territoires conquis de plus longue date (125-118 av. J.-C.), dénommés Gallia Braccata (la Gaule en braies). En 27 av. J.-C., dans le cadre de la réorganisation administrative de la Gaule opérée par Auguste, la Gallia Comata fut divisée en trois provinces impériales (Tite-Live, Histoire romaine (Periochae), CXXXIV ; Strabon, Géographie, IV, 1, 1 ; Pline, Histoire naturelle, IV, 105 ; Dion Cassius, Histoire romaine, LIII, 22), largement calquées sur les divisions internes à la Gaule, antérieures à la conquête césarienne. Les trois provinces impériales de Gaule (Aquitania, Lugdunensis et Belgica), issues du redécoupage effectué par Auguste, étaient unies au sein d'une assemblée commune annuelle siégeant au sanctuaire fédéral des Trois Gaules, à Condate, face à Lugdunum. Dans cette enceinte, des notables de ces trois provinces, délégués par leur cités, se réunissaient pour y exercer un rôle administratif et politique, mais aussi y rendre un culte à Rome et à Auguste.
La province de Gallia Aquitania fut considérablement agrandie par rapport au territoire qu'elle couvrait à l'époque pré-romaine, par le rattachement de douze cités ayant appartenu à l'ancienne Gallia Celtica : les cités des Arvernes, des Ambiliates, des Bituriges Cubes, des Cadurques, des Gabales, des Lémoviques, des Nitiobroges, des Pétrocores, des Pictons, des Rutènes, des Santons et des Vellaves. Autre ajout notable, la cité des Convènes fut également intégrée à cette province. L'Aquitaine fut dés lors bornée par les Pyrénées, le Massif Central et un peu plus imparfaitement par la Loire (Pline, Histoire naturelle, IV, 108). La métropole de cette province fut fixée à Mediolanum (Saintes).
Entre la fin de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.) et la rédaction de la Géographie de Ptolémée (milieu du IIe s. ap. J.-C.), les cités de la province d'Aquitaine semblent avoir été redécoupées à plusieurs reprises. L'Aquitaine issue du redécoupage effectué par Auguste correspond aux 12 cités de Gaule aquitaine identifiées par César, associées à 12 autres cités de l'ancienne Gaule celtique et la cité des Convènes, soit 25 cités. A la fin du Ier s. ap. J.-C., Pline en comptabilisait 41 ou 42 (Histoire naturelle, IV, 108-109), tandis que la Géographie de Ptolémée n'en dénombrait plus que 17 au milieu du IIe s. ap. J.-C. L'essentiel de ces changements eurent lieu au niveau de ce qui constituait l'Aquitaine pré-romaine, changement trop nombreux pour être listés ici. Dans le cas des cités de Gallia Celtica intégrées à l'Aquitaine, on note simplement l'absorption des Éleutètes par les Arvernes probablement dés la fin du Ier s. av. J.-C., celle des Ambiliates et des Anagnutes par les Pictons entre la fin du Ier s. ap. J.-C. et le milieu du IIe s. ap. J.-C. et enfin la constitution de la cité des Bituriges Vivisques (transition entre le Ier s. av. et le Ier s. ap. J.-C.).
La progressive émancipation de la Novempopulanie
Entre 271 et 285 ap. J.-C., la province de Gaule aquitaine fut amputée de son coeur historique, l'Aquitania pré-romaine. Selon l'inscription de l'église Saint-Jean d'Hasparren (CIL 13, 412 (4, p 4) ; AE 1989, 508), les magistrats de neuf cités de cette province ont envoyé une délégation auprès de l'empereur à Rome, pour réclamer le fait d'être séparés des Gaulois et constituer une nouvelle province. Cette demande fut entendue et la province de Novempopulania (Novempopulanie) fut créée, avec Elusa (Eauze) pour métropole (Liste de Vérone). A cette province échurent les cités des Elusates, des Aquenses, des Lactorates, des Convènes, des Consoranniens, des Boïates, des Berannenses, des Aturenses, des Vasates, de Turba, des Elloronenses et des Ausques.
Le démantèlement de la province
Très peu de temps après, dans le cadre de la réforme provinciale de Dioclétien (dernière décennie du IIIe s. ap. J.-C.), la province de Gallia Aquitania disparut en tant que telle, et fut divisée en deux nouvelles entités (Cf. la Liste de Vérone) :
Pline, Histoire naturelle, IV, 105 :"Toute la Gaule désignée sous le nom général de Chevelue est divisée entre trois peuples séparés surtout par des fleuves la Belgique, de l'Escaut à la Seine ; de la Seine à la Garonne, la Celtique ou Lyonnaise ; de la Garonne à la chaîne des Pyrénées, l'Aquitaine, appelée auparavant Arémorique. Agrippa a estimé toute la côte à 1.800.000 pas, et, limitant la Gaule entre le Rhin, les Pyrénées, l'Océan, et les monts Cévennes et Jura, par lesquels il exclut la Narbonnaise, il lui donne en long 430.000 pas en large 318.000."
Pline, Histoire naturelle, IV, 108-109 :"A l'Aquitaine appartiennent les Ambilatres, les Anagnutes, les Pictons, les Santons, libres; les Bituriges, libres, surnommés Ubisques ; les Aquitains qui ont donné leur nom a la province ; les Sediboniates ; puis les Convènes rassemblés dans une ville ; les Bégères, les Tarbelliens, surnommés Quatuor Signani (à cause d'une garnison de quatre enseignes) ; les Cocosates, surnommés Sex Signani ; les Vénames, les Onobrisates, les Bélendes, la chaîne des Pyrénées ; au-dessous, les Monèses, les Osquidates des montagnes, les Sibyllates, les Campones, les Bercorcates, les Bipedimuens, les Sassuminiens, les Vellates, les Tornates, les Consoranniens, les Ausques, les Élusates, les Sottiates, les Osquidates de la plaine, les Succasses, les Tarusates, les Basabocates, les Vasséens, les Sénnates , les Cambolectres, les Agésinates joints aux Pictons, puis les Bituriges libres, appelés Cubes ; les Lemovices, les Arvernes, libres ; les Cabales ; d'un autre côté, les Rutènes, qui sont limitrophes de la Gaule Narbonnaise ; les Cadurques , les Antobroges et les Pétrocores, séparés des Toulousains par le Tarn. Mers qui baignent la côte : l'océan Septentrional jusqu'au Rhin, l'océan Britannique entre le Rhin et la Seine, l'océan Gaulois entre la Seine et les Pyrénées. Il y a plusieurs îles appartenant aux Vénètes et nommées Vénétiques, et, dans le golfe d'Aquitaine, l'île d'Uliarus."
Strabon, Géographie, IV, 1, 1 :"La contrée qui succède immédiatement à l'Ibérie est la Celtique [ou Gaule] transalpine. Nous en avons déjà ci-dessus indiqué sommairement la figure et l'étendue, il nous faut maintenant la décrire en détail. Or, on la divisait [anciennement] en trois parties, l'Aquitaine, la Belgique et la Celtique [proprement dite], les populations de l'Aquitaine formant, non seulement par leur idiome, mais encore par leurs traits physiques beaucoup plus rapprochés du type ibère que du type galate [ou gaulois], un groupe complètement à part des autres peuples de la Gaule, qui ont tous au contraire [un type de physionomie uniforme], le vrai type gaulois, et qui ne se distinguent les uns des autres que parce qu'ils ne parlent pas tous leur langue absolument de même, mais se servent de plusieurs dialectes ayant entre eux de légères différences, lesquelles se retrouvent aussi dans la forme de leurs gouvernements et dans leur manière de vivre. [...] Ainsi dans le principe, tandis que le nom d'Aquitains s'appliquait aux peuples qui occupent, avec la partie septentrionale du mont Pyréné, tout le versant du Cemmène en deçà du fleuve Garounas et jusqu'aux bords de l'Océan, le nom de Celtes désignait ceux qui s'étendent à l'opposite, d'un côté, jusqu'à la mer de Massalia et de Narbonne, et, de l'autre, jusqu'aux premières pentes des Alpes, et le nom de Belges comprenait, avec le reste des peuples habitant le long de l'Océan jusqu'aux bouches du Rhin, une partie de ceux qui bordent le Rhin et [la haute chaîne] des Alpes. Le divin César, dans ses Commentaires, suit encore cette division. Mais Auguste vint qui divisa la Gaule en quatre parties : il fit de l'ancienne Celtique la province Narbonitide ou Narbonnaise, maintint l'Aquitaine telle qu'elle était du temps de César, si ce n'est qu'il y annexa quatorze des peuples compris entre le Garounas et le Liger, puis, ayant distribué le reste de la Gaule en deux provinces, il rattacha l'une à Lugdunum, en lui donnant pour limite le cours supérieur du Rhin, et assigna l'autre aux Belges."
Strabon, Géographie, IV, 2, 1 :"Parlons à présent des Aquitains et de ces quatorze peuples de race galatique ou gauloise, habitant entre le Garounas et le Liger et en partie aussi dans la vallée du Rhône et dans les plaines de la Narbonnaise, qui ont été réunis administrativement à l'Aquitaine. [Je dis administrativement,] car autrement et à prendre les choses comme elles sont en réalité, les Aquitains diffèrent des peuples de race gauloise tant par leur constitution physique que par la langue qu'ils parlent, et ressemblent bien davantage aux Ibères. Ils ont pour limite le cours du Garounas et sont répandus entre ce fleuve et le mont Pyréné. On compte plus de vingt peuples aquitains, mais tous faibles et obscurs ; la plupart habitent les bords de l'Océan, les autres l'intérieur même des terres, où ils s'avancent jusqu'aux extrémités des monts Cemmènes et aux frontières des Tectosages. Ainsi délimitée, l'Aquitaine formait une province trop peu étendue, c'est pourquoi on l'a accrue de tout le pays compris entre le Garounas et le Liger. Ces deux fleuves, à peu près parallèles au mont Pyréné, déterminent, par rapport à cette chaîne de montagnes, un double parallélogramme, dont les deux autres côtés sont figurés par l'Océan et par les monts Cemmènes. [...] C'est entre les Bituriges-Vibisques et les Santons, deux peuples de race gauloise, que le Garounas, grossi des eaux de trois affluents, débouche dans l'Océan. Les Bituriges-Vibisques sont les seuls étrangers dont les possessions se trouvent enclavées parmi celles des Aquitains ; mais ils ne font pas partie pour cela de leur confédération. Ils ont leur emporium ou marché principal à Burdigala, ville située au fond d'un estuaire que forment les bouches du Garounas."
Strabon, Géographie, IV, 2, 2 :"Voici, maintenant, quels sont les peuples compris entre le Garounas et le Liger qui ont été, avons-nous dit, annexés à l'Aquitaine : les Éluens, d'abord, dont le territoire commence à partir du Rhône ; immédiatement après les Éluens, les Vellaves, qui faisaient partie naguère de la nation des Arvernes, mais qui, aujourd'hui, sont indépendants ; puis les Arvernes eux-mêmes, les Lémovices et les Pétrocoriens, auxquels il faut ajouter les Nitiobriges, les Cadurques et les Bituriges-Cubes ; sur le littoral, les Santons et les Pictons, les premiers, riverains du Garounas, les autres, riverains du Liger ; enfin, les Rutènes et les Gabales, sur les confins de la Narbonnaise. Il y a de belles forges chez les Pétrocoriens, ainsi que chez les Bituriges-Cubes ; des fabriques de toiles de lin chez les Cadurques, et des mines d'argent chez les Rutènes et chez les Gabales."