[Glanienses / Glaniques] - Cité de Gaule narbonnaise, elle avait pour centre politique l'oppidum de Glanum (Saint-Remy-de-Provence) et dont l'emprise hypothétique devait s'étendre entre le Rhône (à l'ouest), la Durance (au nord) et les Alpilles (au sud). Cette emprise permettait aux Glanienses de contrôler une partie des flux de marchandises transitant par ces deux importants cours d'eau, mais également le long de la voie allant de Massalia (Marseille), vers le centre de la Gaule et de celle remontant la vallée de la Durance en direction de l'Italie.
D'après la Géographie de Ptolémée (II, 10, 15), et selon toute vraisemblance, l'oppidum de Glanum et son immédiate périphérie dépendaient originellement des Salyens, mais bénéficiait déjà d'un certain degré d'autonomie, comme en témoigne l'important degré d'hellénisation des infrastructures, dés la première moitié du IIe s. av. J.-C., peu comparable avec ce qui peut être observé sur les autres sites attribués aux Salyens. Cette autonomie supposée ne constituait probablement pas une véritable indépendance, et c'est certainement la raison pour laquelle Glanum et les autres sites salyens subirent des destructions massives à la fin du IIe s. av. J.-C., consécutives à la guerre menée par les Massaliotes et les Romains, contre les Salyens et les Voconces (125-122 av. J.-C.) (Roth-Congès, 1992).
Le degré d'autonomie de Glanum fut alors grandissant, tout comme la prospérité économique, comme en témoigne l'apparition d'émissions monétaires spécifiques, imitant des modèles massaliotes, dans seconde moitié du IIe s. av. J.-C., marqués par le nom de cet oppidum, parfois abrégé aux seules premières lettres ΓΛ et ΓΛΑ, et parfois noté de manière plus complète ΓΛΑΝΙΚΩΝ (Brenot, 1992). Cette prospérité croissante fut en partie la conséquence de l'aménagement de la voie Domitia (118-117 av. J.-C.), dont un tronçon passait par Glanum. Aussi, plusieurs travaux défendent l'idée que la cité grecque de Massalia aurait pu profiter de la défaite des Salyens pour étendre sa chora jusqu'à Glanum et que ce serait dans ce cadre que plusieurs oppida de la région auraient gagné leur autonomie (Brenot, 1992 ; Clavel-Lévêque, 1999). Cette hypothèse est séduisante, cependant, selon Strabon, seule la bande littoral fut cédée par Gaius Sextius Calvinus aux Massaliotes (123-122 av. J.-C.) (Géographie, IV, 1, 5)
En dépit de cette autonomie et de la supposée mainmise de Massalia, Glanum fut semble-t-il de nouveau détruite lors de la répression de la révolte des Salyens (90 av. J.-C.). Si l'interprétation communément admise est correcte, les Glanienses se seraient donc révoltés aux côtés des autres Salyens. Les fouilles archéologiques révèlent, en effet, un nouveau niveau de destruction lors de cette période, puis la reconstruction du site, désormais doté de structures plus modestes (Roth-Congès, 1992).
Le site de Glanum fut durablement affecté par ces destructions et ne semble avoir été de nouveau prospère qu'au milieu du Ier s. av. J.-C., après la capitulation de Massalia (49 av. J.-C.), et une fois définitivement détachée des Salyens, pour constituer un oppidum latinum, c'est à dire une communauté autonome de droit latin (Pline, Histoire naturelle, III, 37). Le célèbre passage de l'Histoire naturelle de Pline livrant la formule provinciale de la Gaule narbonnaise, vraisemblablement composée en 27 av. J.-C., est régulièrement lue comme attribuant à Glanum, le qualificatif Libii (var. Libici) (Histoire naturelle, III, 37). La synthèse proposée par M. Christol & M. Janon (2000) invite à modifier la ponctuation du texte, et à voir dans ces Libii ou Libici, une communauté autonome de la région, distincte de l'oppidum latinum de Glanum. Il n'y a aucun consensus quant à la date à l'occasion de laquelle ce statut fut octroyé aux Glanienses. M. Christol & C. Goudineau (1987-1988) attribuent cet octroi à César. A. Chastagnol (1987) estime quant à lui que cet octroi eut lieu lorsque Marcus Aemilius Lepidus (Lépide) gouvernait la Gaule transalpine (44-42 av. J.-C.), époque à laquelle furent fondées les colonies latines de Cabellio et Antipolis. Quelle que soit la date précise de événement, le statut précis des Glanienses nous est connu par une inscription provenant de Narbonne, sur laquelle apparaît la mention COL(ONIA) […...] GLANO (CIL 12, 4379 ; AE 2000, 915). Ce document remonte à une période comprise entre le milieu du Ier s. av. et le milieu du Ier s. ap. J.-C. selon M. Christol & M. Janon, (2000). Selon ces mêmes auteurs, les portions manquantes livreraient les surnoms de la colonie, qu'ils proposent de restituer en COL(ONIA) [IVL(IA) AVG(VSTA)] GLANO, la "colonie Iulia Augusta de Glanum".
Les fouilles archéologiques effectuées au niveau de l'amphithéâtre des Trois Gaules à Lyon ont permis d'extraire des gradins sur lesquels étaient mentionnés les noms de plusieurs peuples dont les délégués siégeaient au sanctuaire fédéral des Trois Gaules. Contre toute attente, un bloc portant la mention GLANICI a été extrait (AE 2000, 938). L'inscription est parfaitement lisible, et l'emploi du nominatif pluriel indique sans le moindre doute qu'il s'agissait de places réservées à des délégués issus de la cité des Glanienses, bien que celle-ci relevait de la province de Gaule narbonnaise. Suite à l'annonce de cette découverte, H.-G. Pflaum a émis l'hypothèse que les Glanienses aient pu bénéficier d'une exemption faisant d'eux une cité demeurée indépendante. A partir de ce postulat, il estime que le contingent dénommé MILITVM GLANICORVM "militaires glaniques" sur une inscription provenant de Saint-Remy-de-Provence (AE 1954, 102 ; 1964, 146a ; 1999, 1022 ; 2001, 1322) témoignerait également d'un statut original (H.-G. Pflaum, cité par Audin & Guey, 1976). A. Chastagnol (1997) et M. Christol & M. Janon, (2000) opposent à cette thèse le fait que cette courte inscription ne suffit pas à défendre l'idée d'une telle exemption, et que rien ne plaide pour l'existence d'un régime aussi singulier en Gaule. Ces places, tout comme celles possiblement attribuables à des délégués de la cité des Antipolitains||, doivent être considérées comme étant celles réservées à des étrangers aux Trois Gaules (Christol & Janon, 2000).
La cité des Glanienses existait toujours au cours du règne de Septime Sévère (193-211 ap. J.-C.), comme l'attestent une série d'inscriptions honorifiques faites à la famille impériale, élevées dans le forum de Glanum à cette époque (AE 1992, 1186 ; 1187 et 1188). L'ultime témoignage de l'autonomie de cette cité remonte à l'érection de la borne milliaire de Saint-Rémy-de-Provence (AE 1963, 95), en 306-307 ap. J.-C. Après cette date, la cité fut finalement absorbée par une cité voisine. Là encore, il n'y a aucun consensus, puisque certains travaux anciens assurent que les Glanienses furent absorbés par les Arelatenses, tandis que d'autres privilégient une intégration à la cité des Avennienses (Christol & Janon, 2000). Le fait que la paroisse de Saint-Remy-de-Provence a dépendu du diocèse d'Avignon tout au long du Moyen-âge, invite à privilégier la seconde hypothèse.
Sources littéraires anciennes
Pline, Histoire naturelle, III, 36-37 :"Dans l'intérieur des terres, colonies : Arles de la sixième légion, Béziers de la septième, Orange de la seconde ; dans le territoire des Cavares, Valence, des Allobroges Vienne ; villes latines : Aix des Salluviens, Avignon des Cavares, Apta Julia des Vulgientes, Alébécé des Reies Apollinaires, Alba des Helves, Augusta des Tricastins, Anatilia, Aeria, les Bormanni, les Comani, Cabellio, Carcasum des Volques Tectosages, Cessero, Carpentorate des Mémines, Ies Caenicenses, les Cambolectres, surnommés Atlantiques, Forum Voconii, Glanum Livii ; les Lutevans, appelés aussi Foroneronienses ; Nîmes des Arécomiques, les Piscènes, les Rutènes, les Samnagenses ; Toulouse des Tectosages, sur la frontière de l'Aquitaine ; les Tascons, les Tarusconienses, les Umbraniques ; les deux capitales de la cité des Vocontiens alliés, Vasio et Lucus Augusti ; dix-neuf villes sans renom, de même que vingt-quatre attribuées à Nîmes."
"De son vivant, Lucius Albius Lepidus, fils d'Albinus, (de la tribu) Voltinia, édile de la colonie Iulia Augusta de Glanum, (a fait ce monument) pour Cornelia [...]."
Inscription de Saint-Remy-de-Provence (AE 1992, 1186) IMP(ERATORI) CAES(ARI) LVC(IO) SEPTIMIO SEVERO PERT<I=E>NACI AVG(VSTO) ARABICO ADIABENICO PARTHICO PONTIFICI MAXIMO TRIBVNICIAE POT(ESTATIS) IMP(ERATORI) III CO(N)S(VLI) II P(ATRI) P(ATRIAE) GLANIENSES
"À l'empereur César Lucius Septimius Severus, persévérant, Auguste, Arabique, Adiabénique, Parthique, grand pontife, revêtu du pour tribunicien, 3 fois impérator, 2 fois consul, père de la patrie. Les Glanienses (ont fait ce monument)."
Inscription de Saint-Remy-de-Provence (AE 1992, 1187) IVLIAE AVG(VSTAE) MATRI CASTRORVM GLANIENS(ES)
"À Iulia (Domna), Auguste, mère des camps. Les Glanienses (ont fait ce monument)."
"À l'empereur César Marcus Aurelius Antoninus, Auguste, fils de l'empereur César Lucius Septimius Severus, pieux, persévérant, Auguste, Arabique, Adiabénique, Parthique. Les Glanienses (ont fait ce monument)."
"Aux dieux Mânes et à la mémoire éternelle d'Aebutus Agatho, sévir augustal, de la corporation de la colonie Iulia Paterna d'Arelate, curateur de cette même corporation à deux reprises, mais aussi sévir augustal de la colonie Iulia d'Apta, naute de l'Arar, curateur des fonds de la République des Glaniques, qui a vécu 70 ans. Aebutia Eutychia, à son patron, très dévoué avec elle, (a élevé ce monument)."
Saint-Rémy-de-Provence (AE 1954, 102 ; 1964, 146a ; 1999, 1022 ; 2001, 1322) ]ESSI[...]CO[.] [...]ES VOTVM SVSCEPT(VM) HERCVLI VICTORI PRO SALVTE ET REDITV G(AI!) LICINI MACRI TRIB(VNI) ET CENTVRIONVM ET MILITVM GLANICORVM QVI SVB VEX[S]ILLO FVERVNT CN(AEVS) POMP(EIVS) CORNVTVS OPT(IO) EX STIPENDI(I)S ET HONORARIO QVOD EI D(ONVM) CONST(ITVERAT) L(IBENS) M(ERITO)
"[…]. Voeu formulé à Hercule Victor, pour le salut et le retour de Gaius Licinius Macer, tribun, des centurions et des militaires glaniques, qui furent sous son enseigne, ont fait (ce monument). Cneius Pompeius Cornutus, messager, avec la part des soldes et la gratification d'honneur que ceux-ci avaient affecté comme don, s'en est acquitté de bon gré, comme il se doit."
Sources
• A. Audin & J. Guey, (1976) - "Quelques broutilles épigraphiques : Théâtre de Vienne, Amphithéâtre de Lyon", Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, pp.200-205
• P. Brenot, (1992) - "Diffusion de l'écriture grecque en milieu indigène", in: M. Bats (ed.), Marseille grecque et la Gaule, Actes du Colloque international d'Histoire et d'Archéologie et du Ve Congrès archéologique de la Gaule Méridionale, (Marseille, 18-23 novembre 1990), Études Massaliètes, 3, pp.468-469
• A. Chastagnol, (1987) - "A propos du droit latin provincial", Iura, XXXVIII, pp.1-24
• A. Chastagnol, (1997) - "Les cités de la Gaule narbonnaise. Les statuts", in : M. Christol, & O. Masson (eds.), Actes du Xe Congrès international d'épigraphie grecque et latine, Nîmes, 4-9 octobre 1992, Publications de la Sorbonne, Paris, pp.51-73
• M. Christol & C. Goudineau, (1987-1988) - "Nîmes et les Volques Arécomiques au Ier s. av. J.-C.", GALLIA, vol.45,, pp.87-103
• M. Christol & M. Janon, (2000) - "Le statut de Glanum à l'époque romaine", Revue archéologique de Narbonnaise, vol.33, pp.47-54
• M. Clavel-Lévêque, (1999) - Marseille grecque, la dynamique d'un impérialisme marchand, 2e édition, éditions Jeanne Laffitte, Marseille, 209p.
• A. Roth-Congès, (1992) - "Glanum, oppidum Latinum de Narbonnaise : à propos de cinq dédicaces impériales récemment découvertes", Revue archéologique de Narbonnaise, vol.25, pp.29-48
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique