L'amphithéâtre, aujourd'hui dénommé "amphithéâtre des Trois Gaules", est le plus important vestige encore visible du sanctuaire fédéral des Trois Gaules. Il était situé à l'extrémité occidentale de l'esplanade monumentale. Édifice destiné aux spectacles financés par l'évergétisme du prêtre de Rome et d'Auguste, il comportait des places réservées aux délégués du Conseil des Gaules. Plusieurs inscriptions ont été découvertes au niveau des gradins de l'amphithéâtre, indiquant que les places étaient réservées et attribuées aux délégués, suivant leur cité d'origine. Ainsi ont été identifiées les places occupées par un des délégués de la cité des Arvernes (CIL 13, 1667a), de six délégués de la cité des Bituriges Cubes (CIL 13, 1667a & 1667b), de trois de la cité des Tricasses (CIL 13, 1667c) (1) et de délégués de la cité des Vellaves (CIL 13, 2044 ; AE 1959, 169 ; 1964, 146a1). Plus surprenant, des places étaient réservées à des délégués venant de cités de la province de Gaule narbonnaise, bien que celle-ci ait été étrangère aux Trois Gaules. Ainsi, des places étaient réservées à des délégués de la cité des Glaniques (AE 2000, 938) et probablement également à des délégués de la cité des Antipolitains (AE 2000, 939). Selon A. Allmer & P. Dissard (1889), puis L. Tranoy & G. Ayala (1994), d'autres places étaient réservées aux sévirs augustaux (CIL 13, 1667e). Abandonné à la fin du IIIe s. ap. J.-C., malmené par le temps, les carriers et les aménagements du XIXe s., seules les portions septentrionales et occidentales de l'édifice ont été conservées (Guey & Audin, 1963). Les vestiges de cet édifice sont actuellement visibles entre les actuelles rues des Tables Claudiennes et Burdeau, mais son extension était plus importante. D'après les fouilles archéologiques qui y ont été menées depuis sa redécouverte en 1818, et principalement celles menées entre 1956 et 1978, deux grandes phases de construction ont pu être identifiées.
Dans son état initial, cet édifice de forme elliptique mesurait 81 mètres de long, pour 60 mètres de large. Son arène centrale mesurait quant à elle 67,6 mètres de long, pour 41,85 de large. Il s'agissait donc d'un édifice de dimension très modeste, dont la cavea ne comportait que quatre gradins ; sa capacité est communément estimée à 1800 places. Dans ce premier état, il semble que l'amphithéâtre n'était destiné qu'aux seuls délégués constituant le Conseil des Gaules. Plusieurs blocs dégagés lors des fouilles de 1958 se sont avérés être l'inscription dédicatoire de l'édifice. Elle indique que sa construction fut financée par Caius Iulius Rufus (mais aussi son fils et son petit-fils), prêtre de Rome et d'Auguste entre 17 et 19 ap. J.-C. (2), originaire de la cité des Santons (AE 1959, 78 ; 81 ; 1961, 62 ; 1963, 107 ; 1964, 146a4 ; 199).
L'amphithéâtre a été considérablement agrandi par la suite. Ses dimensions sont alors passées à 143,3 mètres de long, pour 117,35 mètres de large. Ces nouvelles dimensions lui ont alors permis d'accueillir jusqu'à 20000 spectateurs, ce qui suppose que son accès n'a dés lors plus été réservé au seuls délégués siégeant au Conseil des Gaules. Lors des fouilles de 1957, des fragments d'une inscription monumentale ont été dégagés dans le canal du podium, laquelle était dédiée à Caius Iulius Celsus, procurateur des provinces de Lyonnaise et d'Aquitaine à la fin du règne d'Hadrien (3). Depuis l'article publié en 1964 par J. Guey et A. Audin, en prenant en compte des observations effectuées au niveau de la maçonnerie des agrandissements, Caius Iulius Celsus est considéré comme un probable contributeur financier de ces travaux. L. Tranoy & G. Ayala (1994) ont souligné que cette interprétation n'était que peu étayée, voire contestée par les fouilles postérieures et ne devait être considérée que comme une hypothèse parmi d'autres. Aussi, A. Allmer & P. Dissard (1889) puis L. Tranoy & G. Ayala (1995) ont noté que plusieurs inscriptions très fragmentaires découvertes sur place font état de libéralités accordées par des sévirs augustaux, peut-être liées aux aménagements et agrandissements observés (CIL 13, 1723 ; 1724).
A l'occasion la tenue annuelle du Conseil des Gaules, en plus des célébrations, le prêtre de Rome et d'Auguste se devait de faire preuve de libéralités et d'allouer des sommes considérables à l'organisation de jeux et de diverses festivités dans cet amphithéâtre. A titre d'exemple, l'inscription honorifique que le Conseil des Gaules fit élever en l'honneur de Titus Sennius Sollemnis à Aregenua (Vieux), indique qu'à son investiture en tant que prêtre de Rome et d'Auguste (219-220 ap. J.-C.), il fit donner toute sorte de spectacles, dont trente-deux combats de gladiateurs sur quatre jours (CIL 13, 3162 ; AE 1949, 136 ; 137 ; 214 ; 1959, 95 ; 2006, 832 ; 2008, 909). Ces activités étaient coûteuses, voire ruineuses pour l'évergète. En conséquence, entre 176 et 178 ap. J.-C., une délégation venue plaider la cause des SACERDOTES FIDELISSIMARVM GALLIARVM VESTRARVM "prêtres de vos plus fidèles provinces gauloises", vint à Rome pour convaincre l'empereur de réduire et d'encadrer les frais engendrés par les combats de gladiateurs. Cette initiative fut visiblement couronnée de succès, comme en témoigne la lex gladiatoria Italicae (CIL 02, 6278 ; AE 1952, 51 ; 1962, 403 ; 1967, 221).
D'autres spectacles sanglants et notamment des exécutions pouvaient s'y dérouler. Ainsi, bien que Tacite ne l'ait pas exprimé explicitement, c'est certainement au sein de cet amphithéâtre (devant les délégués gaulois ?) que Mariccus, qualifié d'adsertor Galliarum "libérateur des Gaules", fut livré aux fauves en 69 ap. J.-C. (Histoires, II, 61) (4)Eusèbe de Césarée indique que c'est au sein de cet amphithéâtre, lors de la réunion des délégués des cités gauloises de l'année 177 ap. J.-C., que furent mis à mort les martyrs de Lyon (Histoire ecclésiastique, V, 1, 47). Par contre, contrairement à ce que veulent quelques récentes traditions lyonnaises, les concours d'éloquence, qui selon Suétone ont été organisés par Caligula (39-40 ap. J.-C.), se déroulaient très certainement au théâtre de la ville, édifice nettement plus adapté à cet exercice (l'odéon ne fut construit qu'à la transition du Ier-IIe s. ap. J.-C.).
(1) L. Tranoy & G. Ayala (1995) identifient l'ethnonyme abrégé sous la forme TRIC à celui des Tricastins, ce qui est une hypothèse discutable. Quelques cités de la province de Gaule narbonnaise avaient effectivement des délégués bénéficiant de places réservées à l'amphithéâtre des Trois Gaules. Les raisons exactes de leur présence sont inconnues et doivent être vues comme des exceptions à la règle. Ainsi, il est nettement plus probable que ces places, marquées TRIC, aient été celles de délégués de la cité des Tricasses.
(2) L'année au cours de laquelle il occupa cette fonction est donnée par l'inscription dédicatoire de l'arc de Saintes (CIL 13, 1036).
(3) Une inscription bien plus complète a été découverte dans le quartier Saint-Jean de Lyon (CIL 13, 1808 ; AE 2014, 875), laquelle a permis la reconstitution de celle mise au jour au sein de l'amphithéâtre. Son mandat en Lyonnaise et Aquitaine est communément daté entre 130 et 136 ap. J.-C.
(4) En 69 ap. J.-C., Lugdunum possédait peut-être deux autres autres édifices destinés aux spectacles, un théâtre et plus hypothétiquement un cirque (non-localisé). Seul l'amphithéâtre du sanctuaire fédéral des Trois Gaules était adapté aux uenationes, spectacles faisant intervenir des bêtes sauvages.
Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 1, 47 :"La fêle qu'on célèbre ici chaque année - elle est très fréquentée et on y vient de toutes les nations - avait commencé de se tenir. Le gouverneur fit solennellement amener au tribunal les bienheureux, les donnant en spectacle aux foules : il les interrogea encore ainsi de nouveau ; à ceux pour qui il apparut qu'ils avaient le titre de citoyen romain, il lit couper la tête le reste il l'envoya aux bêtes."
Tacite, Histoires, II, 61 :"Au moment où s'agitait le sort des plus illustres têtes, un certain , Boïen, de la lie du peuple, osa (j'ai honte de le dire) se mêler aux jeux de la fortune, et provoquer au nom du ciel les armes romaines. Déjà ce libérateur des Gaules, ce prétendu dieu (c'est le nom qu'il s'arrogeait), avait rassemblé huit mille hommes, et entraînait les cantons des Eduens le plus à sa portée, lorsque cette cité fidèle, avec l'élite de sa jeunesse et les cohortes qu'ajouta Vitellius, dispersa cette multitude fanatique. Pris dans le combat, Mariccus fut exposé aux bêtes. Comme elles tardaient à le dévorer, le stupide vulgaire le croyait invulnérable : Vitellius le fit tuer sous ses yeux."
Dédicace de l'amphithéâtre des Trois Gaules à Lyon (AE 1959, 78 ; 81 ; 1961, 62 ; 1963, 107 ; 1964, 146a4 ; 199) [PRO SALVT]E(?) TI(BERI) CAESARIS AVG(VSTI) AMPHITHEATR(VM) [... CVM P]ODIO C(AIVS) IVL(IVS) C(AI) F(ILIVS) RVFVS SACERDOS ROM(AE) ET AVG(VSTI) [...] FILII F(ILIVS) ET NEPOS EX CIVITATE SANTON(VM) D(E) S(VA) P(ECVNIA) FECERVNT
"Pour le salut de Tibère César Auguste, Caius Iulius Rufus, fils de Caius Iulius (Catuaneunus), prêtre de Rome et d'Auguste, avec ses fils et petits-fils, de la cité des Santons ont fait (construire) à leurs frais cet amphithéâtre et son podium."
Inscription de Lyon (AE 1964, 49 ; 146a3) G(AIVS!) IVLIVS CELSVS [CVRATOR VI]AE LIGN[ARIAE TRIVMPHALIS] D[ILECTATOR PER AQVITANICAE XI POPVLOS] PROC(VRATOR) PROVINCIAR(VM) LVGVD(VNENSIS) ET AQVIT(ANICAE)
"A Caius Iulius Celsus, curateur de la voie Lignaria Triumphalis, directeur de l'enrôlement militaire chez 11 peuples d'Aquitaine, procurateur des provinces lyonnaise et aquitanique."
"En l'honneur de la maison divine. Titus Flavius [...]inus, affranchi d'Auguste [...] dendrophore […], sévir augustal, […] Flavius, […] Maximilla […], pour un coût de 240000 sesterces, ont fait (construire)."
Sources
• A. Allmer & P. Dissard, (1888) - Musée de Lyon - Inscriptions antiques, tome 1, Imprimerie L. Decaroche et cie., Lyon, 462p.
• A. Allmer & P. Dissard, (1889) - Musée de Lyon - Inscriptions antiques, tome 2, Imprimerie L. Decaroche et cie., Lyon, 523p.
• J. Guey & A. Audin, (1963) - "L'amphithéâtre des Trois-Gaules à Lyon. Rapport préliminaire aux fouilles. Deuxième partie", Gallia, tome 21, n°1, pp.125-154
• J. Guey & A. Audin, (1964) - "L'amphithéâtre des Trois-Gaules à Lyon. Rapport préliminaire aux fouilles. (Supplément: inscriptions, monnaies)", Gallia, tome 22, n°1, pp.37-61
• L. Tranoy & G. Ayala, (1994) - "Les pentes de la Croix-Rousse à Lyon dans l'Antiquité. État des connaissances", Gallia, tome 51, pp.171-189
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique