Peuple de Gaule belgique. Leur territoire correspondait à l'actuel Condroz, petit pays situé à cheval sur les provinces de Hainaut, de Namur, de Liège et de Luxembourg (Belgique).
Attestations et étymologie
Ce peuple ne fut mentionné que par César sous les formes Condrusos (Guerre des Gaules, II, 4), Condrusorum (Guerre des Gaules, IV, 6) et Condrusique (Guerre des Gaules, VI, 32), sur une inscription votive provenant de Birrens (CIL 07, 1073 ; RIB-01, 2108) sous la forme PA[G]VS CONDRVSTIS et enfin sur un diplôme militaire provenant d'Eining (CIL 16, 125 ; AE 1891, 172), sous la forme COND[R]VS(O). Il est possible de rapprocher cet ethnonyme du théonyme Cantrusteihiae et de l'anthroponyme Condrusus, pour lesquels X. Delamarre (2007 ; 2013 ; 2019) propose une étymologie. En effet, il y identifie un composé en *Con-dru-st-, avec le préfixe *con-, "avec / ensemble", associé à *-dru-, "arbre", et au quasi-suffixe *-st-, vu comme la réduction de la racine verbale *-steh2- > *-sta-, "qui se tient / qui se trouve". Ceci amènerait donc à traduire le composé *Con-dru-st- par "ceux qui se tiennent ensemble (près) de l'arbre". Le nom de l'actuel Condroz dérive de celui de ce peuple.
Certains peuples gaulois invitèrent les Usipètes et les Tenctères à franchir le Rhin, dans l'espoir de les faire participer à une nouvelle conjuration contre les Romains (César, Guerre des Gaules, IV, 6). César n'indique pas si les Condruses étaient à l'origine de leur venue, mais indique que les contingents de Germains transrhénans s'étaient répandus jusque sur leur territoire et celui des Éburons au cours de l'hiver 56-55 av. J.-C.
Alors que leurs principaux voisins - les Éburons et les Trévires - ont opposés une farouche résistance aux Romains (automne 54 - été 53 av. J.-C.), les Condruses et les Sègnes sont restés passifs. Aussi, après la seconde expédition romaine en Germanie (printemps / été 53 av. J.-C.), alors qu'Ambiorix venait d'essuyer son premier véritable revers (printemps / été 53 av. J.-C.), ils envoyèrent des députés à César, afin d'obtenir de lui l'assurance de ne pas être visés par l'offensive romaine. Après s'être renseigné sur la sincérité de leurs propos, César s'est engagé à ne leur faire aucun mal s'ils livraient les Éburons qui auraient pu trouver refuge sur leurs terres (Guerre des Gaules, VI, 32).
● Intégration des Condruses à la cité des Tongres
Nous ne savons rien de l'histoire des Condruses entre le terme de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.) et le milieu du Ier s. ap. J.-C. C'est en effet à cette époque que les Condruses et les autres Germains cisrhénans furent amalgamés pour constituer la cité des Tongres. En son sein, les Condruses subsistèrent sous la forme d'un pagus (CIL 07, 1073 ; RIB-01, 2108). Bien que rassemblés à d'autres peuplades dans une cité nouvelle, les Condruses conservèrent un sentiment d'appartenance suffisamment fort, pour qu'un soldat de la cohorte III Brittannorum la revendique encore dans les années 164-166 ap. J.-C., comme en témoigne son diplôme militaire (CIL 16, 125 ; AE 1891, 172) (Raepsaet-Charlier, 2013).
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, II, 4 :"César leur demanda quels étaient les peuples en armes, leur nombre et leurs forces militaires. Il apprit que la plupart des Belges étaient originaires de Germanie ; qu'ayant anciennement passé le Rhin, ils s'étaient fixés en Belgique, à cause de la fertilité du sol, et en avaient chassé les Gaulois qui l'habitaient avant eux ; que seuls, du temps de nos pères, quand les Teutons et les Cimbres eurent ravagé toute la Gaule, ils les avaient empêchés d'entrer sur leurs terres. Ce souvenir leur inspirait une haute opinion d'eux-mêmes et leur donnait de hautes prétentions militaires. Quant à leur nombre, les Rèmes avaient à ce sujet les données les plus certaines, en ce que, unis avec eux par le voisinage et les alliances, ils connaissaient le contingent que, dans l'assemblée générale des Belges, chaque peuple avait promis pour cette guerre. Les Bellovaques tenaient le premier rang parmi eux par leur courage, leur influence et leur population : ils pouvaient mettre cent mille hommes sous les armes : ils en avaient promis soixante mille d'élite et demandaient la direction de toute la guerre. Les Suessions, leurs voisins, possédaient un territoire très étendu et très fertile ; ils avaient eu pour roi, de notre temps encore, Diviciacos, le plus puissant chef de la Gaule, qui à une grande partie de ces régions joignait aussi l'empire de la Bretagne. Galba était maintenant leur roi, et le commandement lui avait été déféré d'un commun accord, à cause de son équité et de sa sagesse. Ils possédaient douze villes, et avaient promis cinquante mille hommes. Autant en donnaient les Nerviens, réputés les plus barbares d'entre ces peuples, et placés à l'extrémité de la Belgique ; les Atrébates en fournissaient quinze mille ; les Ambiens, dix mille ; les Morins, vingt-cinq mille ; les Ménapes, neuf mille ; les Calétes, dix mille ; les Véliocasses et les Viromandues le même nombre ; les Atuatuques, dix-neuf mille ; les Condruses, les Éburons, les Caeroesi et les Pémanes, compris sous la dénomination commune de Germains, devaient en envoyer quarante mille."
César, Guerre des Gaules, IV, 6 :"Connaissant cette habitude des Gaulois, César, pour prévenir une guerre plus sérieuse, rejoignit l'armée plus tôt que de coutume. En y arrivant, il apprit ce qu'il avait soupçonné : que plusieurs peuples de la Gaule avaient envoyé des députations aux Germains, et les avaient invités à quitter les rives du Rhin, les assurant qu'on tiendrait prêt tout ce qu'ils demanderaient. Séduits par cet espoir, les Germains commençaient déjà à s'étendre et étaient parvenus au territoire des Éburons et des Condruses, qui sont dans la clientèle des Trévires. César, ayant fait venir les principaux de la Gaule, crut devoir dissimuler ce qu'il connaissait ; il les flatta, les encouragea, leur prescrivit des levées de cavalerie, et résolut de marcher contre les Germains."
César, Guerre des Gaules, VI, 32 :"Les Sègnes et les Condruses, peuples d'origine germaine, qui habitent entre les Éburons et les Trévires, envoyèrent des députés à César, pour le prier de ne point les mettre au nombre de ses ennemis, et de ne pas croire que tous les Germains en deçà du Rhin fissent cause commune ; ils n'avaient nullement songé à la guerre, n'avaient donné aucun secours à Ambiorix. César, s'étant informé du fait en questionnant les captifs, ordonna à ces peuples de lui ramener ceux des Eburons qui, après leur déroute, se seraient rassemblés chez eux, et leur promit, s'ils le faisaient, de ne commettre aucun dégât sur leur territoire."
Sources épigraphiques
Inscription de Birrens (CIL 07, 1073 ; RIB-01, 2108) DEAE VIRADECTHI PA[G]VS CONDRVSTIS MILIT(ANS) IN COH(ORTE) II TVNGROR(VM) SVB SILVIO AVSPICE PRAEF(ECTO)
"À la déesse Viradecthis, (les soldats) du pagus des Condrustes qui servent dans la cohorte II Tungrorum sous (le commandement du) préfet Silvius Auspex (ont érigé)."
Diplôme militaire d'Eining (6) (Neustadt an der Donau) (AE 1891, 172 ; CIL 16, 125) [IMP(ERATOR) CAESAR M(ARCVS) AVRELIVS ANTONINVS AVG(VSTVS) ... ET IMP(ERATOR) CAESAR L(VCIVS) AVRELIVS VERVS AVG(VSTVS) ... EQVITIBVS ET PEDITIBVS QVI MILITAVERVNT IN ALIS ... QVAE APPELLANTVR ... ET IN COHORTIBVS ...] R[A]ETOR(VM) [ET ...] ET III THR(ACVM) C(IVIVM) R(OMANORVM) ET III [... ET III B]RIT[T]ANN(ORVM) ET IIII [GALLOR(VM) ET ...] E[T SV]N[T I]N [RAETIA(?) SVB ...] PR(OCVRATORE) QVIN(IS?) [ET VICENIS(?) PLVRIBVSVE STIPENDIIS EMERITIS DIMISSIS HONESTA MISSIONE QVORVM NOMINA SVBSCRIPTA SVNT SVNT CIVITATEM ROMANAM QVI EORVM NON HABERENT DEDERVNT ... // [IMP(ERATOR) CAESAR M(ARCVS) AVRELIVS ANTONINVS AVG(VSTVS) ... ET IMP(ERATOR) CAESAR L(VCIVS) AVRELIVS VERVS AVG(VSTVS) ... EQVITIBVS ET PEDITIBVS QVI MILITAVERVNT IN ALIS ... QVAE APPELLANTVR ... ET IN COHORTIBVS ...] R[A]ETOR(VM) [ET ...] ET III THR(ACVM) C(IVIVM) R(OMANORVM) ET III [... ET III B]RIT[T]ANN(ORVM) ET IIII [GALLOR(VM) ET ...] E[T SV]N[T I]N [RAETIA? SVB ...] PR(OCVRATORE) QVIN(IS?) [ET VICENIS(?) PLVRIBVSVE STIPENDIIS EMERITIS DIMISSIS HONESTA MISSIONE QVORVM NOMINA SVBSCRIPTA SVNT CIVITATEM ROMANAM QVI EORVM NON HABERENT DEDE]RVNT [ET CO]NVB[IVM CV]M VXO[RIBVS QVAS TVNC H]ABVIS(S)ENT CVM EST [CI]VITAS I(I)S [DATA AVT CVM IIS QV]AS POSTEA DVX(I)S[SE]NT DVM[TAXAT SINGVLI]S A(NTE) D(IEM) X[I]II K(ALENDAS) IAN(VARIAS) [...]CIO L(VCIO) AEMILIO FRONT[...] CO(N)S(VLIBVS) [COH(ORTIS) III] BRITTON(VM) CVI [PRAE]EST [...]NIVS IVNIO[R] EX PEDITE [...]SIMNI F(ILIO) COND[R]VS(O) [DESCRIPT(VM) ET REC]OGNIT(VM) EX TABVLA AE[RE]A [QVAE FIXA EST R]OMAE IN MVRO POST [TEMPL(VM) DIVI] AVG(VSTI) AD MIN[ERVAM]
"L'empereur César Marcus Aurelius Antoninus, Auguste, [...] et l'empereur César Lucius Aurelius Verus, Auguste (1), [...] aux cavaliers et aux fantassins qui ont servi dans les […] ailes qui sont appelées […] et dans les […] cohortes […] Raetorum(2), […], III Thracum civium Romanorum, III […], III Brittannorum, IV Gallorum et […], qui sont en Rhétie sous (le commandement) du procurateur […], qui ont accompli un service de vingt-cinq années et plus, qui ont été libérés avec le congé honorable, dont les noms sont écrits ci-dessous, (les empereurs) ont donné la citoyenneté romaine, pour ceux qui ne l'avaient pas encore, […]."
"L'empereur César Marcus Aurelius Antoninus, Auguste, [...] et l'empereur César Lucius Aurelius Verus, Auguste (1), [...] aux cavaliers et aux fantassins qui ont servi dans les […] ailes qui sont appelées […] et dans les […] cohortes […] Raetorum(2), […], III Thracum civium Romanorum, III […], III Brittannorum, IV Gallorum et […], qui sont en Rhétie sous [le commandement de …], procurateur, qui ont accompli un service de vingt-cinq années et plus, qui ont été libérés avec le congé honorable, dont les noms sont écrits ci-dessous, (les empereurs) ont donné la citoyenneté romaine, pour ceux qui ne l'avaient pas encore, et le droit de mariage avec les femmes qu'ils pouvaient avoir au moment où le droit de cité leur a été accordé, ou, avec celles qu'ils épouseraient par la suite, pourvu que chacun (n'en ait qu'une). Le 13e jour avant les calendes de Ianuarius, […]cius (et) Lucius Aemilius Front[…] étant consuls (3). La cohorte III Brittannorum, que commande […]nius Iunior, pour le fantassin […], fils de […]imnus, condruse. Copié et vérifié de la plaque de bronze qui est fixée à Rome sur le mur derrière le temple (consacré par) le divin Auguste à Minerve."
(1) Marc Aurèle et Lucius Aurelius Verus furent co-empereurs entre mars 161 et janvier 169 ap. J.-C.
(2) L'inscription mentionne très certainement ici les cohortes I Raetorum et II Raetorum.