Aulus Plautius conquiert la Bretagne insulaire [43:47]
Aulus Plautius conquiert la Bretagne insulaire (43-47 ap. J.-C.)
Depuis les expéditions césariennes vers la Bretagne (55 et 54 av. J.-C.), Rome conservait un rapport privilégié avec certaines cités bretonnes. Entre le milieu du Ier s. av. et le milieu du Ier s. ap. J.-C., plusieurs chefs bretons vinrent chercher auprès des Romains un appui, espérant prendre ainsi l'avantage sur leurs adversaires, dans le cadre des conflits opposant les cités ou les conflits internes. Ce fut notamment le cas de Tincomaros et Dubnovellaunos vers 10 av. J.-C. et d'Adminios au cours de l'été 39 ap. J.-C.. Les réactions romaines furent plus que timides. On sait qu'Auguste songea à y intervenir pour un motif inconnu (vers 25 av. J.-C.) et que la venue d'Adminios incita également Caligula à y entreprendre une campagne (40 ap. J.-C.). Pour des raisons diverses, rien ne fut tenté. L'île de Bretagne n'était plus la préoccupation du moment (Tacite, Vie d'Agricola, XIII).
Lorsque Verica vint à son tour trouver refuge auprès de l'empereur Claude (avant 43 ap. J.-C.), la réaction romaine fut bien différente. En effet, nous savons par Suétone que l'empereur Claude ne s'était illustré militairement que par les victoires remportées en son nom en Germanie (1), lesquelles ne lui valurent que les ornements du triomphe (Vies des douze Césars : Vie de Claude, XVII). Il voulut dés lors s'illustrer par d'autres campagnes militaires et les troubles affectant la Bretagne, que Verica vint dénoncer, lui en fournirent l'opportunité (Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 19 ; Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Claude, XVII). Ainsi, Claude reprit la conduite des opérations laissées en suspend par Caligula (Tacite, Vie d'Agricola, XIII).
Pour mener à bien cette mission, entre 42 et 43 ap. J.-C., l'empereur fit venir Aulus Plautius de Pannonie, avec les légions VII Augusta et IX Hispana. Claude laissa en retrait la légion VII Augusta et fournit à Aulus Plautius (en plus de la légion IX Hispana) les légions II Augusta, XIV Gemina, XX Valeria Victrix et 20000 auxiliaires bataves et thraces. Aussi, Aulus Plautius reçut pour consigne de faire venir l'empereur si la situation l'exigeait (Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 21). Les travaux entrepris à Gesoriacum trois ans auparavant par Caligula servirent de base navale et c'est au printemps 43 ap. J.-C. que l'offensive devant conduire à l'invasion de la Bretagne fut lancée, après avoir été retardée par les problèmes de santé de Servius Sulpicius Galba (Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, VI) et la mutinerie des soldats d'Aulus Plautius.
Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 19 :"Dans le même temps, Aulus Plautius, sénateur distingué, fit une expédition en Bretagne : un certain Béricus, chassé de l'île par une sédition, avait persuadé à Claude d'y envoyer une armée."
Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 21 :"Cette perte, jointe à ce que, malgré la mort de Togodumnus, les Bretons, loin de céder, ne s'en soulevaient qu'avec plus d'ardeur de toute part pour le venger, ayant inspiré des craintes à Plautius, il ne s'avança pas plus loin, il se contenta de veiller sur les parties conquises et manda Claude ; car il lui avait été prescrit d'agir ainsi, s'il survenait quelque accident ; entre autres ressources préparées en abondance pour cette expédition, on avait réuni des éléphants. Quand la nouvelle parvint à Claude, il remit les affaires intérieures et même les soldats à L. Vitellius, son collègue (il lui avait donné le consulat pour six mois entiers, sur le pied d'égalité avec lui), et partit lui-même pour la guerre."
Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Claude, XVII :"Il ne fit qu'une seule expédition militaire, et elle fut peu considérable. Le sénat lui avait décerné les ornements du triomphe. Mais, trouvant que c'était trop peu pour la majesté de son rang, il voulut un triomphe complet, et choisit pour le champ de ses exploits la Bretagne, qui n'avait pas été attaquée depuis Jules César, et qui se soulevait à l'occasion de quelques transfuges qu'on n'avait pas rendus."
Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, VI :"À la nouvelle du meurtre de Caligula, on l'exhortait à profiter de l'occasion; mais il préféra le repos. Claude lui en sut tant de gré qu'il le rangea au nombre de ses amis, et l'honora d'une si haute considération qu'il retarda l'expédition de Bretagne à cause d'une légère indisposition qui lui était survenue."
Tacite, Vie d'Agricola, XIII :"Le divin Jules César fut donc le premier de tous les Romains à débarquer en Bretagne avec une armée. Toutefois, malgré sa terrifiante victoire et la conquête de la côte, il n'a, semble-t-il, fait que montrer aux générations futures l'accès à la Bretagne sans la leur avoir livrée. Ensuite éclatèrent nos guerres civiles, où on vit des chefs de partis prendre les armes contre l'état. On en oublia la Bretagne, même quand revint la paix : c'était pour le divin Auguste une ligne de conduite, pour Tibère un impératif. On s'accorde à penser que Caligula songeait à s'introduire en Bretagne, mais, versatile, il abandonna ce projet après avoir échoué dans ses tentatives démesurées d'envahir la Germanie. Le divin Claude décida de reprendre les opérations. Il fit transférer dans l'île des légions et des corps auxiliaires en confiant une partie de l'entreprise à Vespasien. On y voit pour celui-ci un premier signe de la bonne fortune qui serait un jour la sienne : en soumettant des tribus et en capturant leurs rois, Vespasien fut désigné par le destin."