Ceutrons / Ceutrones - Peuple celte établi au niveau de la Tarentaise (haute-vallée de l'Isère), du Beaufortain (vallée du Doron) et du Faucigny (haute-vallée de l'Arve). Il firent l'objet d'un certain nombre de mentions dans des ouvrages antiques où ils sont dénommés Ceutrones (César, Guerre des Gaules, I, 10 ; Pline, Histoire naturelle, III, 135), Κέντρωνες (Strabon, Géographie, IV, 6, 6), Κεντρώνων (Strabon, Géographie, IV, 6, 7 ; 11 ; Ptolémée, Géographie, III, 1, 37). Aussi, ils laissèrent leur nom à une portion des Alpes occidentales, les Alpes ceutroniques, mentionnées dans l'Histoire naturelle de Pline sous les formes (Alpes) Ceutronicae (Histoire naturelle, XI, 240) et Ceutronum Alpino (Histoire naturelle, XXXIV, 3). Leur capitale était Axima (Aime),. Les principaux bourgs du territoire des Ceutrons étaient Obilunnum (Arbine), Darantasia (Moûtiers-en-Tarentaise), Bergintrum (Bourg-Saint-Maurice) et Vatusicum, mentionné par Pline pour ses fromages mais dont la localisation reste inconnue (Histoire naturelle, XI, 240).
Aucun texte ancien n'évoque les événements qui conduisirent à leur intégration dans l'empire de Rome. A l'exception des Allobroges (vaincus en 121 av. J.-C.), tous les peuples qui les entouraient furent vaincus par Rome au cours de la conquête des Alpes, dans le dernier quart du Ier s. av. J.-C. Le nom des Ceutrons n'est d'ailleurs pas mentionné sur l'inscription dédicatoire du trophée des Alpes, érigé en 7-6 av. J.-C. pour célébrer cette conquête. Cette inscription soulève néanmoins un autre problème puisque entre les Salasses du Val d'Aoste et les Médulles de la moyenne-vallée de la Maurienne, soit au niveau du territoire des Ceutrons, est mentionné un autre peuple : les Acitavones. S'agissait-il du même peuple ? N'était-ce qu'une portion des Ceutrons ? La question reste pleinement ouverte.
Au cours du règne de Claude (41-54 ap. J.-C), le territoire des Ceutrons fut intégré à la province des Alpes grées (Alpes Graiae). Pour l'occasion, Axima (Aime), la capitale des Ceutrons fut refondée et dénommée Forum Claudii Ceutronum Axima. Elle devint la métropole de la province des Alpes grées.
César, Guerre des Gaules, I, 10 :"On rapporte à César que les Helvètes se proposent de gagner, par les territoires des Séquanes et des Héduens, celui des Santons, qui n'est pas loin de la cité des Tolosates, laquelle fait partie de la province romaine. Il se rend compte que si les choses se passent ainsi, ce sera un grand danger pour la province que d'avoir, sur la frontière d'un pays sans défenses naturelles et très riche en blé, un peuple belliqueux, hostile aux Romains. Aussi, confiant à son légat Titus Labiénus le commandement de la ligne fortifiée qu'il avait établie, il gagne l'Italie par grandes étapes ; il y lève deux légions, en met en campagne trois autres qui prenaient leurs quartiers d'hiver autour d'Aquilée, et avec ses cinq légions il se dirige vers la Gaule ultérieure, en prenant au plus court, à travers les Alpes. Là, les Ceutrons, les Graiocèles, les Caturiges, qui avaient occupé les positions dominantes, essayent d'interdire le passage à son armée. Parti d'Océlum, qui est la dernière ville de la Gaule citérieure, il parvient en sept jours, après plusieurs combats victorieux, chez les Voconces, en Gaule ultérieure ; de là il conduit ses troupes chez les Allobroges, et des Allobroges chez les Ségusiaves. C'est le premier peuple qu'on rencontre hors de la province au-delà du Rhône."
Pline, Histoire naturelle, III, 135 :"Les Vennonètes et les Sarunètes, peuplades rhétiques, habitent près des sources du Rhin, et ceux d'entre les Lépontiens qui sont appelés Vibères, près des sources du Rhône, dans la même région des Alpes. Il y a en outre des populations jouissant du droit latin, telles que les Octoduriens, les Centrons limitrophes, les cités Cottiennes, les Caturiges ; et, issus des Caturiges, Ies Vagiennes-Ligures et ceux qui sont appelés Montagnards, et plusieurs peuplades Chevelues sur les confins de la mer de Ligurie."
Pline, Histoire naturelle, XI, 240 :"Le fromage le plus estimé à Rome, où l'on juge en présence l'une de l'autre les productions de tous les pays, est, parmi les fromages des provinces, celui qui provient de la contrée de Nîmes, de la Lozère et du Gévaudan ; mais le mérite en dure peu, et il ne vaut que tant qu'il est frais. Les pâturages des Alpes se recommandent par deux espèces de fromages. Les Alpes Dalmatiques envoient le Docléate ; les Alpes Ceutroniennes, le Vatusique."
Pline, Histoire naturelle, XXXIV, 3-4 :"Après celui-là le meilleur cuivre a été le Sallustien, qu'on tirait du territoire des Centrons, dans les Alpes ; il ne dura guère lui-même, et il fut remplacé par le cuivre Livien, dans les Gaules. L'un et l'autre avaient été dénommés d'après les propriétaires de la mine : le premier, d'après Salluste, ami du dieu Auguste; le second, d'après la femme de ce prince. Le cuivre Livien a bientôt manqué; cette mine est, en effet, aujourd'hui du plus mince rapport."
Strabon, Géographie, IV, 6, 6 :"Immédiatement après ces tribus ligyennes, de l'autre côté du Padus, commence le territoire des Salasses ; puis, au-dessus des Salasses, sur la crête même des Alpes, on rencontre successivement les Centrons, les Catoriges, les Varagres, les Nantuates, le lac Lemenna que traverse le Rhône et finalement la source de ce fleuve."
Strabon, Géographie, IV, 6, 7 :"On peut donc, quand on vient d'Italie et qu'on veut franchir les Alpes, prendre la route qui suit ladite vallée. Une fois au bout de la vallée on voit la route qui se bifurque ; l'une des branches se dirige sur le mont Poeninus, mais devient impraticable aux chariots vers le point culminant du passage ; quant à l'autre branche, qui est la plus occidentale des deux, elle traverse le pays des Centrons."
Strabon, Géographie, IV, 6, 11 :"Des différents chemins de montagne qui font communiquer l'Italie avec la Gaule transalpine et septentrionale, c'est celui du pays des Salasses qui mène à Lugdunum. Ce chemin, avons-nous dit, a deux branches, l'une qui peut être parcourue en chariot, mais qui est de beaucoup la plus longue (c'est celle qui traverse le territoire des Centrons), l'autre qui franchit le mont Poeninus et raccourcit ainsi la distance, mais qui n'offre partout qu'un sentier étroit et à pic."
Inscription d'Aime-en-Tarentaise (AE 1995, 1021) T(ITO) FLAVIO FABIA GEMINO EQVO PVBL(ICO) PRAEF(ECTO) COH(ORTIS) PRIMAE THRACVM EQVI/TATAE TRIBVN(O) COHOR(TIS) P[RI]/MAE DALMATARVM |(MILIARIAE) TRIB(VNO) EIVSD(EM) COHOR(TIS) VICE TER[TI]AE DONIS MILITARIB(VS) DONATO AB IMP(ERATORE) SEVERO AVG(VSTO) IN EXPE/DITIONE PARTHIC(A) PROC(VRATORI) AD CENSVS ACCEPTANDOS IN PROVINCIA BELGICA PROC(VRATORI) ALPIVM ATRECTIANA/RVM ET VALLIS POENINAE CVRATORI REI P(VBLICAE) AVGVST[A]NOR(VM) PRAETORIANORVM F(ORO) CL(AVDIENSES) C(EVTRONES)
"À Titus Flavius Geminus, (de la tribu) Fabia, (décoré du titre de) chevalier public, préfet de la première cohorte Thracum equitata, tribun de la première cohorte Dalmatarum miliaria, tribun de la même cohorte en lieu et place de sa troisième (milice), ayant reçu de l'empereur Severus Auguste des décorations militaires lors de la guerre parthique, procurateur chargé de la perception du cens dans le province de Belgique, procurateur des Alpes atrectiennes et de la Vallée pennine, curateur des communautés de Augusta Praetoria (et) de Forum Claudii des Ceutrones."