La Gallia Belgica ou plus simplement Belgica, fut l'une des trois grandes entités territoriales et ethno-culturelles identifiées par César au sein de la Gaule indépendante, au cours de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.). Le territoire des Belgae (Belges) était limité au nord par la mer du Nord et le Rhin, à l'est par les forêt des Ardennes (ou le Rhin) et au sud par la Marne et la Seine. Selon César, les habitants de cette région différaient des deux autres grandes populations de Gaule par le langage, les institutions et les lois (Guerre des Gaules, I, 1). D'après ce même auteur, c'est sur ce territoires qu'étaient établis les Ambiens, Atrébates, Atuatuques, Bellovaques, Cérosiens, Calètes, Ceutrons, Condruses, Éburons, Geidumnes, Grudiens, Lévaques, Ménapes, Morins, Nerviens, Pémanes, Pleumoxiens, Rèmes, Sègnes, Suessions, Véliocasses et Viromanduens. Peut-être faut-il ajouter à cette liste les Trévires, Médiomatriques et Leuques, dont César n'a pas précisé s'ils étaient des composantes de la Gallia Celtica ou de la Gallia Belgica. Notons également que César a établi des sous-divisions territoriales et ethniques dans cet ensemble. Ainsi, il considérait les Atuatuques comme des descendants de Cimbres et de Teutons, tandis que les Cérosiens, les Condruses, les Éburons, les Pémanes et les Sègnes étaient désignés par lui par le nom de Germani cisrhenani (Germains cisrhénans). Par opposition, il y avait dans un portion occidentale de la Gallia Belgica un territoire dénommé Belgium, où vivaient les Ambiens, Atrébates et Bellovaques. Selon l' interprétation de S. Fichtl (1994), il pourrait s'agir du "domaine ancestral" ou "du noyau dur" des Belges.
La province romaine de Belgique
Au lendemain de la conquête romaine, les différentes cités de Gaule furent rattachées administrativement à la province de Gaule transalpine et dénommées Gallia Comata (la Gaule chevelue) ; par opposition aux territoires conquis de plus longue date (125-118 av. J.-C.), dénommés Gallia Braccata (la Gaule en braies). En 27 av. J.-C., dans le cadre de la réorganisation administrative de la Gaule opérée par Auguste, la Gallia Comata fut divisée en trois provinces impériales (Tite-Live, Histoire romaine (Periochae), CXXXIV ; Strabon, Géographie, IV, 1, 1 ; Pline, Histoire naturelle, IV, 105 ; Dion Cassius, Histoire romaine, LIII, 22), largement calquées sur les divisions internes à la Gaule, antérieures à la conquête césarienne. Les trois provinces impériales de Gaule (Belgica, Lugdunensis et Aquitania), issues du redécoupage effectué par Auguste, étaient unies au sein d'une assemblée commune annuelle siégeant au sanctuaire fédéral des Trois Gaules, à Condate, face à Lugdunum. Dans cette enceinte, des notables de ces trois provinces, délégués par leur cités, se réunissaient pour y exercer un rôle administratif et politique, mais aussi y rendre un culte à Rome et à Auguste.
La province de Gallia belgica fut néanmoins considérablement agrandie par rapport au territoire qu'elle couvrait à l'époque pré-romaine, puisque les cités des Lingons, des Séquanes, des Rauraques et des Helvètes (de l'ancienne Gallia Celtica) lui furent rattachées ; et peut-être aussi celles des Trévires, Médiomatriques et Leuques dont le statut, à l'époque pré-romaine n'est pas connu. Les cités des Calètes et des Véliocasses furent quant à elles rattachées à la province de Gallia Lugdunensis. Cette province fut dés lors bornée par la Saône, la Seine et le Rhin (Pline, Histoire naturelle, IV, 106). La métropole de cette province fut fixée à Durocortorum (Reims).
Entre la conquête romaine et la description de la province de Belgique faite par Pline (Histoire naturelle, IV, 106), outre le rattachement de cités ayant appartenu à la Gallia Celtica, un certain nombre de cités ont disparu, tandis que d'autres ont fait leur apparition. Ainsi, les différents peuples qualifiés de Germains cisrhénans par César (Guerre des Gaules, II, 4 ; IV, 6 ; VI, 32), les Atuatuques, les Cérosiens, les Condruses, les Éburons, les Pémanes et les Sègnes ne furent plus mentionnés. Tous furent dés lors rassemblés en une seule cité, celle des Tongres. Il en fut très certainement de même pour les Ceutrons, Geidumnes, Grudiens, Lévaques et Pleumoxiens, lesquels furent intégrés à la cité des Nerviens. De plus, tout au long de la seconde moitié du Ier s. av. J.-C., différentes peuplades transrhénanes furent fixées en Gaule, sur les bords du Rhin. Ce fut le cas des Bataves, Cugernes, Frisiabons, Némètes, Toxandres, Triboques, Ubiens et Vangions, qui ne tardèrent pas à être élevés au rang de cité. Enfin, plusieurs cités nouvelles furent créées, par le démembrement de cités plus anciennes, telles que celle des Bétases, Catuslogues, Oromansaques, Silvanectes ou encore la colonie des Equestres. Le nombre de cités de cette province fut par la suite considérablement réduit puisque au milieu du IIe s. ap. J.-C., Ptolémée (Géographie, II, 7) n'en listait plus que dix-neuf (1).
Constitution et émancipation des districts militaires de Germanie
Dans le cadre des révoltes qui agitèrent la Gaule belgique à la fin du Ier s. av. J.-C., les incursions germaniques eurent tendance à se multiplier. La catastrophique défaite du proconsul Marcus Lollius Paulinus (17-16 av. J.-C.) face aux Tenctères, Usipètes et Sicambres, marqua tant les esprits, que l'empereur Auguste prit la décision de réorganiser des défenses de la Gaule et de pacifier la rive droite du Rhin. Nero Claudius Drusus travailla donc à l'organisation des défenses de la frontière du Rhin (13-9 av. J.-C.) et à leur utilisation en vue de projeter les troupes romaines jusqu'au coeur de la Grande Germanie. Dans ces circonstances, près de cinquante postes fortifiés furent édifiés sur la portion rhénane de la province de Gaule belgique, tandis que plusieurs légions et des contingents auxiliaires y furent cantonnés.
Depuis ces régions rhénanes, de nombreuses campagnes furent engagées entre 12 av. J.-C. et 9 ap. J.-C., pour tenir en respect les peuples de la Grande Germanie. L'importance des enjeux et une exceptionnelle concentration de troupes firent qu'à la tête de ce domaine militarisé, véritable "marche de Germanie", furent placés des légats de première importance, membres de la famille impériale ou personnalités politiques de haut-rang. Ainsi, à sa tête, se succédèrent Nero Claudius Drusus (13-9 av. J.-C.), Tiberius Claudius Nero (8-7 av. J.-C.), Gnaeus Sentius Saturninus (6-3 av. J.-C.), Lucius Domitius Ahenobarbus (3-1 av. J.-C.), Marcus Vinicius (1-4 ap. J.-C.) et Publius Quinctilius Varus (4-9 ap. J.-C.). Comme l'a souligné Y. Le Bohec (2002 ; 2009), la notoriété de ces légats fit que le district militaire, dit "de Germanie" échappa rapidement au contrôle du gouverneur de la province de Gaule belgique et devint de fait relativement autonome. Cette autonomie n'a été que d'autant plus marquée après l'effroyable défaite subie par les Romains lors de la bataille de Teutobourg (9 ap. J.-C.) et l'abandon de la rive droite du Rhin. Deux armées distinctes y étaient basées : l'exercitus inferior, l'"armée inférieure" et l'exercitus superior, l'"armée supérieure" (Tacite, Annales, I, 31). La première de ces armées occupait les camps de Castra Vetera (Xanten-Birten) et Ara Ubiorum (Cologne), tandis que la seconde était basée à Mogontiacum (Mayence) et à proximité. Après le rappel de Germanicus à Rome, en 17 ap. J.-C., plus aucun général ne semble avoir eu le commandement simultané de l'armée inférieure et de l'armée supérieure. De fait, le district militaire a été scindé en deux entités, celui abritant l'"armée inférieure" a pris le nom de Germania inferior et celui de l'"armée supérieure", Germania superior, chacune commandée par un légat. Ainsi, lors des révoltes gauloises de 21 ap. J.-C., le district de Germanie inférieure avait à sa tête Caius Visellius Varro, tandis que celui de Germanie supérieure était dirigé par Caius Silius (Tacite, Annales, III, 41). Leur autonomie ne cessa de se renforcer par la suite.
Les troubles récurrents qui secouèrent la Gaule entre 68 et 70 ap. J.-C. aboutirent à une véritable rupture entre les districts militaires des deux Germanies et les provinces gauloises. Au cours des années suivantes, à la faveur des expéditions menées outre-Rhin par Cnaeus Pinarius Cornelius Clemens (72-74 ap. J.-C.), puis Domitien (82-83 ap. J.-C.), le territoire administré depuis le district militaire de Germanie supérieure fut considérablement étendu aux Champs Décumates. Suite à ces conquêtes, vers 84 ou 85 ap. J.-C. (Raepsaet-Charlier, 1998), ces deux districts militaires furent définitivement détachés de la Gaule belgique et furent érigés deux provinces impériales consulaires :
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La province de Germania superior (Germanie supérieure), avec pour métropole Mogontiacum (Mayence). À cette province échut l'ancien district militaire de Germanie supérieure (cités des Mogontiacenses, des Vangions, des Némètes, des Triboques et des Rauraques), les Champs Décumates, mais aussi les cités des Helvètes, des Equestres, des Séquanes et des Lingons.
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La province de Germania inferior (Germanie inférieure), ayant pour métropole Colonia Claudia Ara Agrippinensium (Cologne). À cette province échut l'ancien district militaire de Germanie supérieure, soit la cité des Ubiens, des Cugernes, des Tongres, des Bataves et des Cananéfates.
Le démantèlement de la province
Au cours de la dernière décennie du IIIe s. ap. J.-C., dans le cadre de la réforme provinciale de Dioclétien, la province de Gallia Belgica disparut en tant que telle, et fut divisée en deux nouvelles entités (Cf. la Liste de Vérone) :
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La province de Belgica prima (Belgique première), avec pour métropole Augusta Treverorum (Trèves)
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La province de Belgica secunda (Belgique seconde), dont la métropole était Durocortorum (Reims).
(1) Les sources utilisées par Ptolémée (Géographie, II, 9) étaient nécessairement plus anciennes, puisque les modifications administratives subies par la province de Gaule belgique du temps de Domitien n'y apparaissent pas.
César, Guerre des Gaules, I, 1 :"Toute la Gaule est divisée en trois parties, dont l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nomment Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Ces nations diffèrent entre elles par le langage, les institutions et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les Belges sont les plus braves de tous ces peuples, parce qu'ils restent tout à fait étrangers à la politesse et à la civilisation de la province romaine, et que les marchands, allant rarement chez eux, ne leur portent point ce qui contribue à énerver le courage : d'ailleurs, voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin, ils sont continuellement en guerre avec eux. Par la même raison, les Helvètes surpassent aussi en valeur les autres Gaulois ; car ils engagent contre les Germains des luttes presque journalières, soit qu'ils les repoussent de leur propre territoire, soit qu'ils envahissent celui de leurs ennemis. Le pays habité, comme nous l'avons dit, par les Gaulois, commence au Rhône, et est borné par la Garonne, l'Océan et les frontières des Belges ; du côté des Séquanes et des Helvètes, il va jusqu'au Rhin ; il est situé au nord. Celui des Belges commence à l'extrême frontière de la Gaule, et est borné par la partie inférieure du Rhin ; il regarde le nord et l'orient. L'Aquitaine s'étend de la Garonne aux Pyrénées, et à cette partie de l'Océan qui baigne les côtes d'Espagne ; elle est entre le couchant et le nord."
Pline, Histoire naturelle, IV, 105 :"Toute la Gaule désignée sous le nom général de Chevelue est divisée entre trois peuples séparés surtout par des fleuves la Belgique, de l'Escaut à la Seine ; de la Seine à la Garonne, la Celtique ou Lyonnaise ; de la Garonne à la chaîne des Pyrénées, l'Aquitaine, appelée auparavant Arémorique. Agrippa a estimé toute la côte à 1.800.000 pas, et, limitant la Gaule entre le Rhin, les Pyrénées, l'Océan, et les monts Cévennes et Jura, par lesquels il exclut la Narbonnaise, il lui donne en long 430.000 pas en large 318.000."
Pline, Histoire naturelle, IV, 106 :"A l'Escaut, l'extérieur est habité par les Toxandres, divisés en plusieurs peuplades ; puis viennent les Ménapiens, les Morins, les Oromansaques, attenants au bourg appelé Gessoriacum ; les Bretons, les Ambianiens, les Bellovaques ; dans l'intérieur, les Catusiuges, les Atrébates, les Nerviens, libres ; les Véromanduens, les Suécons, les Sassions, libres ; les Ulmanètes, libres ; les Tongres, les Sunuques, les Frisiabons, les Betases, les Leuciens, libres ; les Trévères, libres auparavant, alliés maintenant ; les Lingons, alliés ; les Rèmes, alliés ; les Médiomatriques, les Séquanes, les Rauriques, les Helvétiens : colonies, Équestris et Raurica ; sur le Rhin, peuplades germaniques habitant la Gaule Belgique : les Némètes, les Triboques, les Vangions ; puis les Ubiens, la colonie d'Agrippine, les Gubernes, les Bataves, et ceux dont nous avons parlé à propos des îles du Rhin."
Sources
• S. Fichtl, (1994) - Les Gaulois du nord de la Gaule (150-20 av. J.-C.), éditions Errance, Paris, 190p.
• Y. Le Bohec, (2002) - L'armée romaine sous le haut empire, Picard, Paris, 328p.
• Y. Le Bohec, (2009) - "Histoire militaire des Germanies d'Auguste à Commode", in : B. Cabouret-Laurioux et al., eds., Rome et l'Occident ; IIe s. av. J.-C. au IIe s. apr. J.-C., PALLAS - revue d'études antiques, Presses universitaires du Mirail, vol.80, pp.175-201
• M.-T. Raepsaet-Charlier, (1998) - "Les Gaules et les Germanies", in : C. Lepelley (dir.), Rome et l'intégration de l'Empire, tome 2, Nouvelle Clio, Presses Universitaires de France, Paris, pp.143-195
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique