Guerre opposant les Insubres aux Taurins (été / automne 218 av. J.-C.)
D'après Polybe (Histoire générale, III, 60) et Tite-Live (Histoire romaine, XXI, 39), lorsque les troupes puniques d'Hannibal entrèrent en Italie du nord, un conflit opposait les Taurins et les Insubres. Ces deux auteurs n'ont cependant recueilli aucun élément expliquant l'origine de cette guerre. La mise en perspective des rares éléments connus permettent cependant d'apporter un éclairage sur l'ampleur et les causes de ce conflit.
Sur un plan géographique, on note que contrairement à ce qu'indique Tite-Live (Histoire romaine, XXI, 39), les Taurins et les Insubres n'étaient pas limitrophes. En effet, les territoires des Vertamocores, des Lèves, des Marices, des Libiciens et des Anares, étaient situés entre ceux des deux belligérants. Plusieurs de ses peuplades étaient certainement entrées dans la clientèle des Taurins ou des Insubres, tandis que les Libiciens et les Anares, étaient entrés plus ou moins volontairement dans l'orbite de Rome, au terme d'une intervention de Publius Furius Philus et Caius Flaminius Nepos (223 av. J.-C.). Ainsi, il est plus que certain que ces différentes populations aient été impliqués dans ce conflit, quel qu'ait été leur statut.
Sur un plan chronologique, il est intéressant de noter qu'à l'issue de la guerre de 223-222 av. J.-C., les Insubres furent écrasés et leurs chefs contraints à se rendre aux Romains. Dans ce contexte, il est peu envisageable qu'une guerre contre les Taurins ait pu être menée parallèlement à celle-ci, ou immédiatement après. L'année 222 av. J.-C. constitue donc un terminus post quem. Les seuls événements connus relatifs à cette guerre remontent à l'été ou à l'automne 218 av. J.-C., alors que les Boïens et Insubres s'étaient unis pour lutter contre Rome et ses alliés. Or, dans le récit des attaques gauloises perpétrées contre les intérêts romains au cours de l'été 218 av. J.-C., seuls les Boïens furent mentionnés (1). Les Insubres ne prirent part à la guerre contre les Romains qu'à partir de la bataille du Tessin (novembre 218). Dans ce cadre, il est fort probable que ces deux conflits aient éclaté avec une certaine simultanéité.
Ainsi, il semble que dans le cadre de leur soulèvement, les Boïens s'attaquèrent de manière privilégiée à la colonie latine de Placentia, voisine de leur territoire, tandis que les Insubres combattaient les Taurins. Dans ces circonstances, il est envisageable de penser que les Taurins aient pu avoir pris parti pour Rome (peut-être dés 223 av. J.-C.), ou a minima, aient pu refuser de prendre part au soulèvement. Ce conflit visait, selon toute vraisemblance, à faciliter l'entrée d'Hannibal dans la plaine du Pô. Lorsqu'à la fin de l'été 218 av. J.-C., Hannibal et ses troupes arrivèrent sur le territoire des Taurins, les réticences de ces derniers eurent raison d'eux. Les Carthaginois prirent parti pour les Insubres et attaquèrent leur capitale.
Polybe, Histoire générale, III, 60 :"Le premier soin d'Annibal fut donc de soigner ses troupes et de ranimer à la fois chez elles le corps et l'esprit ; il s'occupa également des chevaux. Puis, dès que son armée fut en bon état, après avoir d'abord recherché en vain l'alliance et l'amitié des Tauriniens, peuple situé au pied des Alpes, qui alors était en guerre avec les Insubriens, et qui montrait quelque défiance à l'égard des Carthaginois, il attaqua, sur leur refus, leur place la plus forte, et en trois jours s'en empara."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 39 :"Par une circonstance très favorable pour son début, Hannibal trouva les Taurini en guerre avec les Insubres, leurs voisins. Mais il se voyait dans l'impossibilité d'offrir son armée à l'un des deux partis, parce que ses troupes, en train de se refaire, sentaient d'autant plus vivement les maux qu'elles avaient soufferts. En effet le repos après la fatigue, l'abondance après la disette, la propreté après la saleté la plus affreuse, avaient diversement éprouvé le tempérament des Carthaginois, défigurés et presque semblables à des sauvages."