Peuple de la Gaule celtique, puis de la province de Gaule aquitaine. Leur territoire correspondait à celui des anciens diocèses de Poitiers, de Maillezais et de Luçon (avant 1790), soit le Poitou. Leur métropole était Lemonum / Limonum (Poitiers).
Attestations et étymologie
Ce peuple fut mentionné à plusieurs reprises dans l'antiquité sous la forme Pictones par les auteurs latins (César, Guerre des Gaules, III, 11 ; VII, 4 ; 75 ; VIII, 26 ; 27 ; Pline, Histoire naturelle, IV, 108 ; 109 ; Paulin de Nole, Lettres à Ausone, VII et Ausone, Lettres, IX ; Souvenirs aux professeurs de Bordeaux, X) ou encore Πίκτονες par les auteurs grecs (Strabon, Géographie, IV, 2, 1 ; 2 ; Ptolémée, Géographie, II, 7, 5). Ce même ethnonyme a également été mentionné par la variante Pictaui sur différentes inscriptions lapidaires. Dans l'antiquité tardive, cette dernière forme s'est finalement imposée, comme en attestent les mentions faites par Ausone (Épigrammes, LI ; Souvenirs aux professeurs de Bordeaux, X), la Notice des Gaules, sous la forme ciuitas Pectauorum et les sources postérieures. Leur nom est aussi à l'origine du Πικτόνιον ἄκρον / promontoire Pictonion (Pointe du Bois Vinet ? Sables-d'Olonne ?) mentionné par Ptolémée (Géographie, II, 7, 2) et Marcien d'Héraclée du Pont (Périple de l'Akytanie, II, 21). On a longtemps prétendu que leur nom pouvait se traduire par les "peints" ou les "tatoués", par un rapprochement de cet ethnonyme avec le latin pictus "coloré / peint". E. Nègre (1977) privilégie l'idée de rapprocher leur nom d'un thème celtique pict- signifiant "rusé", tandis que J. Lacroix (2003) traduit leur nom par "les furieux". Leur nom subsiste aujourd'hui dans celui du Poitou et de Poitiers.
Histoire
● Protohistoire
Quelques doutes subsistent sur l'extension originelle du territoire des Pictons. À l'époque gallo-romaine, leur territoire correspondait à celui du diocèse médiéval de Poitiers, soit les diocèses de Luçon, Maillezais et Poitiers avant 1790. Il semblerait cependant que ce territoire se soit même étendu dans le sud du diocèse de Nantes, jusqu'à la Loire (Strabon, Géographie, IV, 2, 1 ; 2). De plus, deux peuplades semblent avoir été amalgamées à ce peuple à l'époque gallo-romaine ; les Anagnutes du Pays de Retz et les Ambiliates / Ambilatres des Mauges.
En 52 av. J.-C., immédiatement après que Vercingétorix ait eu pris la tête des Arvernes, il envoya des délégués auprès de nombreuses cités gauloises pour les inviter à prendre les armes contre les Romains. Les Pictons furent parmi les premiers peuples à répondre à son appel et à se joindre à lui (César, Guerre des Gaules, VII, 4). La même année, ils fournirent un contingent de 8000 hommes aux armées de secours chargées de contraindre César à lever le siège d'Alesia (Guerre des Gaules, VII, 75).
En 51 av. J.-C., sous la conduite de Dumnacos, les Andes s'attaquèrent aux Pictons et parvinrent à en détourner bon nombre de l'alliance avec Rome. Les Andes et leurs alliés Pictons assiégèrent le chef picton Durnacos à Lemonum (Poitiers), avant d'être dispersés par les troupes du légat Gaius Caninius Rebilus (Guerre des Gaules, VIII, 26). Après quelques attaques infructueuses, les insurgés furent finalement contraints de se replier sur la rive droite de la Loire où ils furent surpris par Gaius Fabius et finalement écrasés lorsque les troupes romaines parvinrent à converger (Guerre des Gaules, VIII, 27-30).
● Intégration de la cité des Pictons à l'Empire romain
Entre la rédaction de Histoire naturelle de Pline (seconde moitié du Ier ap. J.-C.) et celle de la Géographie de Ptolémée (seconde moitié du IIe ap. J.-C.), les territoires des Anagnutes et les Ambiliates / Ambilatres furent finalement intégrés à celui de la cité des Pictons.
● La cité des Pictons au Bas-Empire
Dans le cadre de la réforme provinciale de Dioclétien (dernière décennie du IIIe s. ap. J.-C.), la province de Gaule aquitaine fut divisée en deux nouvelles provinces. À cette occasion, la cité des Pictons intégra la province d'Aquitaine seconde.
Sources littéraires anciennes
Ausone, Épigrammes, LI :"Avec ma belle tête et ma bouche muette, veux-tu savoir qui je suis ? - Oui. - Je suis le portrait de Rufus, le rhéteur pictave. - Mais je voudrais que le rhéteur lui-même me dît cela. - Impossible. - Pourquoi ? - C'est que le rhéteur est tout le portrait de son portrait."
Ausone, Souvenirs aux professeurs de Bordeaux, X :"Aux grammairiens latins de Burdigala ; aux philosophes Macrinus, Phébicius, Concordius, Sucuro, et Ammonius Anastasius, grammairien chez les Pictaves. […] Muse, chante aussi, en l'honneur d'Anastasius, une mélodie plaintive ; rappelle, ô ma nénie, ce modeste grammairien. Il naquit à Burdigala, d'où l'ambition l'enleva pour le donner aux Pictons. Et là, pauvre, faisant maigre chère et maigre figure, il vit s'éteindre en vieillissant la pâle lueur de gloire qu'il avait eue de sa patrie et de sa classe. Avec son mince savoir et son humeur inquiète, il eut, ce qu'il méritait, une réputation médiocre. Cependant j'ai dû lui consacrer un souvenir. Car c'est un pieux devoir pour moi de réveiller la mémoire d'un grammairien de ma patrie, et d'empêcher que le tombeau ne recouvre son nom et ses os tout ensemble."
Ausone, Lettres, IX :"On vante aussi les huîtres des mers de l'Armorique ; celles que recueille l'habitant des rivages Pictons, et ces huîtres merveilleuses que parfois le reflux découvre aux bords Calédoniens. Viennent ensuite celles qui naissent aux rivages de Byzance, dans les vagues houleuses de la Propontide, et qu'une renommée récente a rendues fameuses, grâce au nom du général Promotus dont on les honore."
César, Guerre des Gaules, III, 11 :"II donne au jeune D. Brutus le commandement de la flotte et des vaisseaux gaulois, qu'il avait fait venir de chez les Pictons, les Santons et autres pays pacifiés, et il lui enjoint de se rendre au plus tôt chez les Vénètes, lui-même en prend le chemin avec les troupes de terre."
César, Guerre des Gaules, VII, 4 :"On lui donne le titre de roi, et il envoie des députés réclamer partout l'exécution des promesses que l'on a faites. Bientôt il entraîne les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lémovices, les Andes, et tous les autres peuples qui bordent l'océan : tous s'accordent à lui déférer le commandement. Revêtu de ce pouvoir, il exige des otages de toutes les cités, donne ordre qu'on lui amène promptement un certain nombre de soldats, et règle ce que chaque cité doit fabriquer d'armes, et l'époque où elle les livrera."
César, Guerre des Gaules, VII, 75 :"Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir [...] les Sénons, les Séquanes, les Bituriges, les Santons, les Rutènes, les Carnutes, chacun douze mille ; les Bellovaques, dix mille ; les Lémoviques, autant ; les Pictons, les Turons, les Parisii, les Helvètes, huit mille chacun ; les Ambiens, les Médiomatrices, les Petrocorii, les Nerviens, les Morins, les Nitiobroges, chacun cinq mille [...]."
César, Guerre des Gaules, VIII, 26 :"Cependant le lieutenant C. Caninius, informé par Duratios qui était toujours resté attaché aux Romains, malgré la défection d'une partie de sa nation, qu'un grand nombre d'ennemis s'étaient rassemblés sur les frontières des Pictons, se dirigea vers la place de Lémonum. Comme il en approchait, des prisonniers l'instruisirent que Duratios s'y trouvait assiégé par plusieurs milliers d'hommes sous la conduite de Dumnacos, chef des Andes. N'osant combattre avec si peu de légions, il campa dans une forte position. Dumnacos, à la nouvelle de l'approche de Caninius, tourna toutes ses forces contre les légions ; et vint attaquer le camp des Romains. Mais ayant perdu plusieurs jours et beaucoup de monde à cette attaque, sans avoir pu faire la moindre brèche à nos retranchements, il revint assiéger Lémonum."
César, Guerre des Gaules, VIII, 27 :"Dans le même temps, le lieutenant C. Fabius, occupé à recevoir les soumissions et les otages de diverses nations, apprit, par les lettres de Caninius, ce qui se passait chez les Pictons. À cette nouvelle, il partit au secours de Duratios. Mais Dumnacos fut à peine instruit de son arrivée, que, désespérant de se sauver, s'il lui fallait à la fois résister à l'ennemi du dehors et avoir l'oeil sur les assiégés qui le tenaient en crainte, il se hâta de se retirer avec ses troupes, et ne se crut point en sûreté qu'il ne les eût conduites au-delà de la Loire, qu'il fallait passer sur un pont, à cause de la largeur du fleuve. Quoique Fabius n'eût pas encore paru devant l'ennemi, ni joint Caninius, cependant, sur le rapport de ceux qui connaissaient la nature du pays, il conjectura que les ennemis, frappés de terreur, prendraient la route qui conduisait à ce pont. Il s'y dirigea donc avec ses troupes, et ordonna à la cavalerie de devancer les légions, de manière pourtant à pouvoir, au besoin, se replier sur le camp sans fatiguer les chevaux. Nos cavaliers, conformément à leurs ordres, s'avancent et joignent l'armée de Dumnacos ; ils attaquent, en route et sous leurs bagages, les ennemis qui fuient épouvantés, leur tuent beaucoup de monde, font un riche butin, et rentrent au camp, après ce beau succès."
Paulin de Nole, Lettres à Ausone, VII :"Et toi qui méprises les superbes remparts de ta Rome, ô consul, est-ce que tu dédaignes les sablonneux Vasates ? Ou parce que tu as des champs fertiles qui verdoient dans les plaines pictones, dois-je te reprocher d'avoir transporté à Rauranum les curules d'Ausonie, et de laisser tomber la trabée en lambeaux poudreux, elle qui pourtant, dans l'auguste cité de Quirinus, au Latium, brille parmi les toges des Césars, parée des mêmes palmes et d'un titre pareil, et, vénérable à jamais sous l'éclat de son or que rien rie peut user, conserve dans sa fleur la gloire vivace de son mérite ?"
Pline, Histoire naturelle, IV, 108 :"A l'Aquitaine appartiennent les Ambilatres, les Anagnutes, les Pictons, les Santons, libres ; les Bituriges, libres, surnommés Ubisques ; les Aquitains qui ont donné leur nom a la province ; les Sediboniates ; puis les Convènes rassemblés dans une ville ; les Bégères, les Tarbelliens, surnommés Quatuor Signani (à cause d'une garnison de quatre enseignes) ; les Cocosates, surnommés Sex Signani ; les Vénames, les Onobrisates, les Bélendes, la chaîne des Pyrénées ; au-dessous, les Monèses, les Osquidates des montagnes, les Sibyllates, les Campones, les Bercorcates, les Bipedimuens, les Sassuminiens, les Vellates, les Tornates, les Consoranniens, les Ausques, les Élusates, les Sottiates, les Osquidates de la plaine, les Succasses, les Tarusates, les Basabocates, les Vasséens, les Sénnates, les Cambolectres, les Agésinates (ou Cambolectres Agésinates)."
Pline, Histoire naturelle, IV, 109 :"Les Pictons, puis les Bituriges libres, appelés Cubes ; les Lemovices, les Arvernes, libres ; les Cabales d'un autre côté, les Rutènes, qui sont limitrophes de la Gaule Narbonnaise ; les Cadurques, les Antobroges et les Pétrocores, séparés des Toulousains par le Tarn. Mers qui baignent la côte : l'océan Septentrional jusqu'au Rhin, l'océan Britannique entre le Rhin et la Seine, l'océan Gaulois entre la Seine et les Pyrénées. Il y a plusieurs îles appartenant aux Vénètes et nommées Vénétiques, et, dans le golfe d'Aquitaine, l'île d'Uliarus."
Strabon, Géographie, IV, 2, 1 :"Quant au Liger, c'est entre les Pictons et les Namnites [ou Namnètes] qu'il débouche. On voyait naguère sur les bords de ce fleuve un autre emporium, du nom de Corbilon ; Polybe en parle dans le passage où il rappelle toutes les fables débitées par Pythéas au sujet de la Bretagne. "
Strabon, Géographie, IV, 2, 2 :"Voici, maintenant, quels sont les peuples compris entre le Garounas et le Liger qui ont été, avons-nous dit, annexés à l'Aquitaine : les Éluens, d'abord, dont le territoire commence à partir du Rhône ; immédiatement après les Éluens, les Vellaves, qui faisaient partie naguère de la nation des Arvernes, mais qui, aujourd'hui, sont indépendants ; puis les Arvernes eux-mêmes, les Lémovices et les Pétrocoriens, auxquels il faut ajouter les Nitiobriges, les Cadurques et les Bituriges-Cubes ; sur le littoral, les Santons et les Pictons, les premiers, riverains du Garounas, les autres, riverains du Liger ; enfin, les Rutènes et les Gabales, sur les confins de la Narbonnaise. Il y a de belles forges chez les Pétrocoriens, ainsi que chez les Bituriges-Cubes ; des fabriques de toiles de lin chez les Cadurques, et des mines d'argent chez les Rutènes et chez les Gabales."
Sources épigraphiques
Borne leugaire de Cénon-sur-Vienne (5) (CIL 13, 8946) DD(OMINIS) NN(OSTRIS) FLAVIO VALERIO CONSTANTIO MAXIMO NOBILISSIMO CAES(ARI) C(IVITAS) P(ICTONVM) L(EVGAS) X
"À nos seigneurs (!) Flavius Valerius Constantius, le grand, nobilissime César. 10 lieues de la cité des Pictons."
"Aux Dieux Mânes de Caius Annaeus Atticus, picton, de la province d'Aquitaine, défunt à l'âge de 37 ans. Ses domestiques ont pris soin de placer (ce monument)."
Inscription de Lyon (CIL 13, 1697) L(VCIO) LENTVLIO CENSORINO PICTAVO OMNIBVS HONORIBVS APVD SVOS FVNCTO CVRATORI BIT(VRIGVM) VIVISCORVM INQVISITORI TRES PROVINCIAE GALLIAE
"Lucius Lentulius Censorinus, pictave, qui a rempli parmi les siens toutes les fonctions honorables, curateur des Bituriges Vivisques, inquisiteur. Les trois provinces des Gaules (ont élevé ce monument)."
"À Claudia Varenilla, fille du consul Claudius Varenus. La cité des Pictons a donné des funérailles, un emplacement, une statue et un tombeau, (sur les fonds) publics. Marcus Censorius Paullus, légat d'Auguste propréteur de la province d'Aquitaine, consul désigné, son mari, satisfait de l'honneur, a pris à sa charge toutes les dépenses effectuées."
Borne leugaire de Rom (1) (CIL 13, 8927) IMP(ERATORI) CAES(ARI) C(AIO) PIO ESVVIO TETRICO PIO FELICI INVICTO AVG(VSTO) P(ONTIFICI) M(AXIMO) T(RIBVNICIA) P(OTESTATE) P(ATRI) P(ATRIAE) CO(N)S(VLI) PROCO(N)S(VLI) C(IVITATE) P(ICTONVM) L(EVGAS) XVI FIN(IBVS) L(EVGAS) XX
"À l'empereur César Caius Pius Esuvius Tetricus (Ier), pieux, heureux, invincible Auguste, grand pontife, revêtu du pouvoir tribunicienne, consul, proconsul. 16 lieues de la cité des Pictons, 20 lieues de la frontière."
Borne leugaire de Rom (2) (CIL 13, 8928) IMP(ERATORI) CAES(ARI) MAR(CO) CLAVD(IO) TACITO INV(ICTO) PIO F(ELICI) AVG(VSTO) PONT(IFICI) M(AXIMO) P(ATRI) P(ATRIAE) TRIB(VNICIA) P(OTESTATE) CON(SVLI) II C(IVITAS) P(ICTONVM) L(IMONO) L(EVGAS) XVI F(INIBVS) L(EVGAS) XX
"À l'empereur César Marcus Claudius Tacitus, invincible, pieux, heureux, Auguste, grand pontife, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 2 fois consul. Limonum de la cité des Pictons, 16 lieues, la frontière, 20 lieues."