Peuple celtique de Vallée pennine, puis de la province des Alpes atrectiennes et pennines. Leur territoire occupait les deux rives du haut-Rhône et s'étendait jusque dans les Alpes bernoises et les Alpes valaisannes, au niveau de l'actuel bas-Valais (Suisse). Les Véragres avaient pour métropôle Octodurum (Martigny).
Attestations et étymologie
Le nom de ce peuple est attesté par un relativement grand nombre de mentions dans l'antiquité. Ils furent évoqués sous les dénominations Veragros et Veragrorum par César (Guerre des Gaules, III, 1 ; 2), Ὀυάραγροι par Strabon (Géographie, IV, 6, 6), Sed uno uer agri pour "Seduni et Veragri", par Tite-Live (Histoire romaine, XXI, 38), VARAGRI sur le trophée des Alpes (Pline, Histoire naturelle, III, 136-137), Οὐαράγρους par Dion Cassius (Histoire romaine, XXXIX, 5), ou encore Veragros (var. Beragros et Veragres) par Orose (Histoires contre les païens, VI, 8). Cet ethnonyme est gaulois, on y reconnaît le préfixe intensif *uer- / uero- qui signifie "très" / "grand", associé à *-agro "bataille" / "carnage" / "massacre". L'ensemble devait avoir pour signification "qui ont commis de grands / bons massacres" (Delamarre, 2001), "super combattants" (Delamarre, 2003), ou "ceux du grand carnage" (Delamarre, 2019). Notons que Pline les dénomme également Octodurenses, du nom de leur capitale (Histoire naturelle, III, 135).
Histoire
● Guerre des Gaules
Le territoire des Véragres (tout comme celui des Nantuates) avait une importance stratégique particulière. En effet, le Valais se situe le long d'un axe de communication majeur passant par le col du Grand-Saint-Bernard, reliant la péninsule italique, la Gaule et la vallée du Rhin. Très fréquentée par les commerçants depuis le Néolithique, à partir du IIe s. av. J.-C., le contrôle de cette voie est progressivement devenu un enjeu stratégique de première importance pour les Romains, avec l'importance croissante de leurs intérêts en Gaule.
Après la conquête, les territoires des Véragres, des Nantuates, des Sédunes et des Ubères furent regroupés au sein d'un même district militaire, la Vallée pennine (Vallis Poenina), lequel était géré conjointement avec ceux de Rhétie et de Vindélicie, puis intégrés à la province de Rhétie et Vindélicie à la transition du Ier s. av. et du Ier s. ap. J.-C.
La romanisation des Véragres, qui prirent alors de nom d'Octodurenses, se poursuivit au point qu'ils se virent octroyer le droit latin (Histoire naturelle, III, 135). Cet événement est possiblement contemporain de la refondation d'Octodurum, sous le nom de Forum Claudii Augusti (vers 41-47 ap. J.-C.).
● La fusion des cités de la Vallée pennine
Entre le milieu du Ier s. et le IIIe ap. J.-C., les cités des Véragres, des Nantuates, des Sédunes et des Ubères fusionnèrent pour former la cité des Vallenses. La ville d'Octodurum / Forum Claudii Augusti devint sa capitale et prit alors le nom de Forum Claudii Vallensium.
C'est au cours de ce lapse de temps que la Vallée pennine fut détachée de la province de Rhétie, et associée aux cités de la province des Alpes atrectiennes, pour constituer la province des Alpes atractiennes et pennines.
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, III, 1 :"En partant pour l'Italie, César avait envoyé Servius Galba, avec la douzième légion et une partie de la cavalerie, chez les Nantuates, les Véragres et les Sédunes, dont le territoire s'étend depuis le pays des Allobroges, le lac Léman et le fleuve du Rhône jusqu'aux Hautes-Alpes. L'objet de la mission de Galba était d'ouvrir un chemin à travers ces montagnes, où les marchands ne pouvaient passer sans courir de grands dangers et payer des droits onéreux. César lui permit, s'il le jugeait nécessaire, de mettre sa légion en quartier d'hiver dans ce pays. Après quelques combats heureux pour lui, et la prise de plusieurs forteresses, Galba reçut de toutes parts des députés et des otages, fit la paix, plaça deux cohortes en cantonnement chez les Nantuates, et lui-même, avec les autres cohortes de la légion, prit son quartier d'hiver dans un bourg des Véragres, nommé Octoduros. Ce bourg, situé dans un vallon peu ouvert, est de tous côtés environné de très hautes montagnes. Une rivière le traverse et le divise en deux parties. Galba laissa l'une aux Gaulois, et l'autre, demeurée vide par leur retraite, dut servir de quartier d'hiver aux cohortes romaines. Il s'y fortifia d'un retranchement et d'un fossé."
César, Guerre des Gaules, III, 2 :"Il y avait fort longtemps qu'il hivernait là, et il venait de donner l'ordre qu'on y fît des provisions de blé, quand soudain ses éclaireurs lui apprirent que la partie du bourg laissée aux Gaulois avait été complètement abandonnée pendant la nuit et qu'une immense multitude de Sédunes et de Véragres occupait les montagnes environnantes."
Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 5 :"En même temps, pendant que la saison le permettait encore et que ses troupes étaient réunies, Servius Galba, lieutenant de César, soumit par la force ou par des traités les Véragres, qui habitaient sur les bords du Léman, aux confins des Allobroges, jusqu'aux Alpes. Il se disposait même à passer l'hiver dans ce pays ; mais la plupart de ses soldats s'étant dispersés, les uns avec des congés, parce qu'on n'était pas loin de l'Italie, les autres de leur propre autorité, les habitants profitèrent de cette circonstance pour tomber brusquement sur Galba. Le désespoir alors le poussa à une résolution téméraire : il s'élança tout à coup hors de ses quartiers d'hiver, étonna par cette audace incroyable les ennemis qui le serraient de près et s'ouvrit, à travers leurs rangs, un passage jusqu'à lin lieu élevé. Une fois en sûreté, il fit expier aux barbares leur attaque et les subjugua ; mais il n'hiverna pas davantage dans ce pays et passa dans celui des Allobroges."
Pline, Histoire naturelle, III, 135 :"Il y a en outre des populations jouissant du droit latin, telles que les Octoduriens, les Ceutrons limitrophes, les cités Cottiennes, les Tures, issus des Ligures, Ies Vagiennes-Ligures et ceux qui sont appelés Montagnards, et plusieurs peuplades Chevelues sur les confins de la mer de Ligurie."
Strabon, Géographie, IV, 6, 6 :"Immédiatement après ces tribus ligyennes, de l'autre côté du Padus, commence le territoire des Salasses; puis, au-dessus des Salasses, sur la crête même des Alpes, on rencontre successivement les Centrons, les Catoriges, les Varagres, les Nantuates, le lac Lemenna que traverse le Rhône et finalement la source de ce fleuve."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 38 :"Comme tous les auteurs sont d'accord sur cette circonstance, je trouve fort étrange qu'il y ait tant d'incertitude pour l'endroit où Hannibal traversa les Alpes, et qu'on ait pu penser communément que ce fut par les Alpes Pennines, qui tiraient alors leur nom du mot Puni. Coelius dit qu'Hannibal prit par le mont de Crémone ; mais ces deux gorges l'eussent conduit, non pas chez les Taurini, mais chez les Gaulois Libi, à travers les montagnards Salassi ; et le moyen de se persuader qu'il eût gagné ainsi la Gaule Cisalpine, puisqu'il eût trouvé toutes les approches des Alpes Pennines fermées à ses troupes par des peuples demi-germains. Un fait bien avéré, qui vient contredire l'opinion reçue, c'est que les Seduni-Veragri, habitants de cette partie des Alpes, n'ont point connaissance que jamais passage d'une armée punique ait pu faire donner à leurs montagnes le nom de Pennines, ainsi appelées d'un dieu Poeninus qu'on adore sur le sommet de ces monts."
Sources épigraphiques
Inscription du trophée de La Turbie (selon Pline, Histoire naturelle, III, 136-137) IMP(ERATORI) CAESARI DIVI FILIO AVG(VSTO) / PONT(IFICI) MAX(IMO) IMP(ERATORI) XIIII TR(IBVNICIA) POT(ESTATE) XVII / S(ENATVS) P(OPVLVS)Q(VE) R(OMANVS) / QVOD EIVS DVCTV AVSPICIISQVE GENTES ALPINAE OMNES QVAE A MARI SVPERO AD INFERVM PERTINEBANT SVB IMPERIVM P(OPVLI) R(OMANI) SVNT REDACTAE / GENTES ALPINAE DEVICTAE TRVMPILINI CAMVNNI VENOSTES VENNONETES ISARCI BREVNI GENAVNES FOCVNATES / VINDELICORVM GENTES QVATTVOR COSVANETES RVCINATES LICATES CATENATES AMBISONTES RVGVSCI SVANETES CALVCONES / BRIXENETES LEPONTI VBERI NANTVATES SEDVNI VARAGRI SALASSI ACITAVONES MEDVLLI VCENNI CATVRIGES BRIGIANI / SOGIONTI BRODIONTI NEMALONI EDENATES ESVBIANI VEAMINI GALLITAE TRIVLLATI ECTINI / VERGVNNI EGVITVRI / NEMETVRI ORATELLI NERVSI VELAVNI SVETRI