Véragres - Peuple celtique du bas-Valais (Suisse), dont le territoire occupait les deux rives du haut-Rhône et s'étendait jusque dans les Alpes bernoises et les Alpes valaisannes. Leur nom est attesté par un relativement grand nombre de mentions dans l'antiquité. Ils furent évoqués sous les dénominations Veragros et Veragrorum par César (Guerre des Gaules, III, 1 et III, 2), Ὀυάραγροι par Strabon (Géographie, IV, 6, 6), Sed uno uer agri pour "Seduni et Veragri", par Tite-Live (Histoire romaine, XXI, 38), VARAGRI sur le trophée des Alpes (Pline, Histoire naturelle, III, 136-137), Οὐαράγρους par Dion Cassius (Histoire romaine, XXXIX, 5), ou encore Veragros (var. Beragros et Veragres) par Orose (Histoires contre les païens, VI, 8). Cet ethnonyme est gaulois, on y reconnaît le préfixe intensif uer- / uero- qui signifie "très" / "grand", associé à agro "bataille" / "carnage" / "massacre". L'ensemble a pour signification littérale "les grands massacreurs". Leur principale agglomération était Octodurum (Martigny).
Le territoire des Véragres (tout comme celui des Nantuates) avait une importance stratégique particulière. En effet, le Valais se situe le long d'un axe de communication majeur passant par le col du Grand-Saint-Bernard, reliant la péninsule italique, la Gaule et la vallée du Rhin. Très fréquentée par les commerçants depuis le Néolithique, à partir du IIe s. av. J.-C., le contrôle de cette voie est progressivement devenu un enjeu stratégique de première importance pour les Romains, avec l'importance croissante de leurs intérêts en Gaule.
Au cours de l'automne 57 av. J.-C., alors que lui-même regagnait l'Italie, César dépêcha Servius Sulpicius Galba, la XIIe légion et une partie de sa cavalerie sur le territoire des Véragres, des Nantuates et des Sédunes, afin de prendre le contrôle de leurs territoires et d'ouvrir une route sûre entre la Gaule et l'Italie, à travers les Alpes (César, Guerre des Gaules, III, 1 et 2). Après un début de campagne victorieux, alors qu'ils s'appétaient à hiverner à Octodurum, les Romains furent confrontés au soulèvement de ces peuples et durent regagner précipitamment le territoire des Allobroges (César, Guerre des Gaules, III, 1-6 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 5) (Cf. la fiche détaillée relative à la campagne de Servius Sulpicius Galba contre les Nantuates, Véragres et Sédunes).
Après la conquête, les territoires des Véragres, des Nantuates, des Sédunes et des Ubères, constituèrent un même district militaire, la Vallée pennine (Vallis Poenina), lequel était géré conjointement avec ceux de Rhétie et de Vindélicie. Au Ier s. ap. J.-C., les ciuitates IIII Vallis Poeninae "quatre cités de la Vallée pennine" furent intégrées à la province de Rhétie et Vindélicie, et fusionnèrent pour former la ciuitas Vallensium "cité des Vallenses". La naissance de cette nouvelle cité s'accompagna, entre 41 et 47 ap. J.-C., de la refondation d'Octodurum, qui prit le nom de Forum Claudii Vallensium en devenant la métropole des Vallenses.
César, Guerre des Gaules, III, 1 :"En partant pour l'Italie, César envoya Servius Galba avec la 12ème légion et une partie de la cavalerie chez les Nantuates, les Véragres et les Sédunes, dont le territoire s'étend depuis les frontières des Allobroges, le lac Léman et le Rhône jusqu'aux grandes Alpes."
César, Guerre des Gaules, III, 2 :"Il y avait fort longtemps qu'il hivernait là, et il venait de donner l'ordre qu'on y fît des provisions de blé, quand soudain ses éclaireurs lui apprirent que la partie du bourg laissée aux Gaulois avait été complètement abandonnée pendant la nuit et qu'une immense multitude de Sédunes et de Véragres occupait les montagnes environnantes."
Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 5 :"En même temps, pendant que la saison le permettait encore et que ses troupes étaient réunies, Servius Galba, lieutenant de César, soumit par la force ou par des traités les Véragres, qui habitaient sur les bords du Léman, aux confins des Allobroges, jusqu'aux Alpes. Il se disposait même à passer l'hiver dans ce pays ; mais la plupart de ses soldats s'étant dispersés, les uns avec des congés, parce qu'on n'était pas loin de l'Italie, les autres de leur propre autorité, les habitants profitèrent de cette circonstance pour tomber brusquement sur Galba. Le désespoir alors le poussa à une résolution téméraire : il s'élança tout à coup hors de ses quartiers d'hiver, étonna par cette audace incroyable les ennemis qui le serraient de près et s'ouvrit, à travers leurs rangs, un passage jusqu'à lin lieu élevé. Une fois en sûreté, il fit expier aux barbares leur attaque et les subjugua ; mais il n'hiverna pas davantage dans ce pays et passa dans celui des Allobroges."
Strabon, Géographie, IV, 6, 6 :"Immédiatement après ces tribus ligyennes, de l'autre côté du Padus, commence le territoire des Salasses; puis, au-dessus des Salasses, sur la crête même des Alpes, on rencontre successivement les Centrons, les Catoriges, les Varagres, les Nantuates, le lac Lemenna que traverse le Rhône et finalement la source de ce fleuve."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 38 :"Comme tous les auteurs sont d'accord sur cette circonstance, je trouve fort étrange qu'il y ait tant d'incertitude pour l'endroit où Hannibal traversa les Alpes, et qu'on ait pu penser communément que ce fut par les Alpes Pennines, qui tiraient alors leur nom du mot Puni. Coelius dit qu'Hannibal prit par le mont de Crémone ; mais ces deux gorges l'eussent conduit, non pas chez les Taurini, mais chez les Gaulois Libi, à travers les montagnards Salassi ; et le moyen de se persuader qu'il eût gagné ainsi la Gaule Cisalpine, puisqu'il eût trouvé toutes les approches des Alpes Pennines fermées à ses troupes par des peuples demi-germains. Un fait bien avéré, qui vient contredire l'opinion reçue, c'est que les Seduni-Veragri, habitants de cette partie des Alpes, n'ont point connaissance que jamais passage d'une armée punique ait pu faire donner à leurs montagnes le nom de Pennines, ainsi appelées d'un dieu Poeninus qu'on adore sur le sommet de ces monts."
Inscription du trophée de La Turbie (selon Pline, Histoire naturelle, III, 136-137) IMP(ERATORI) CAESARI DIVI FILIO AVG(VSTO) / PONT(IFICI) MAX(IMO) IMP(ERATORI) XIIII TR(IBVNICIA) POT(ESTATE) XVII / S(ENATVS) P(OPVLVS)Q(VE) R(OMANVS) / QVOD EIVS DVCTV AVSPICIISQVE GENTES ALPINAE OMNES QVAE A MARI SVPERO AD INFERVM PERTINEBANT SVB IMPERIVM P(OPVLI) R(OMANI) SVNT REDACTAE / GENTES ALPINAE DEVICTAE TRVMPILINI CAMVNNI VENOSTES VENNONETES ISARCI BREVNI GENAVNES FOCVNATES / VINDELICORVM GENTES QVATTVOR COSVANETES RVCINATES LICATES CATENATES AMBISONTES RVGVSCI SVANETES CALVCONES / BRIXENETES LEPONTI VBERI NANTVATES SEDVNI VARAGRI SALASSI ACITAVONES MEDVLLI VCENNI CATVRIGES BRIGIANI / SOGIONTI BRODIONTI NEMALONI EDENATES ESVBIANI VEAMINI GALLITAE TRIVLLATI ECTINI / VERGVNNI EGVITVRI / NEMETVRI ORATELLI NERVSI VELAVNI SVETRI