Peuple de la Gaule celtique, puis de la province de Gaule lyonnaise, dont le territoire jouxtait celui de la province de Gaule narbonnaise. Leur territoire s'étendait sur l'ensemble du Forez, territoire qui porte encore le souvenir de leur nom, c'est à dire la plaine du Forez, mais aussi les Monts du Forez à l'ouest et les Monts du Lyonnais à l'est. Dans sa plus grande extension, antérieure à la seconde moitié du Ier s. av. J.-C., leur territoire était vraisemblablement borné à l'ouest par le Rhône. Si l'on se fie à Strabon (Géographie, IV, 1, 11 ; 3, 2) et Pline (Histoire naturelle, IV, 107), Lugudunum (Lyon) aurait été leur première métropole, avant d'être remplacée à ce titre par Forum Segusiovorum (Feurs).
Attestations et étymologie
Ce peuple fut mentionné par César sous les formes in Segusiauos (var. in Sebusianos) et Segusiauis (Guerre des Gaules, I, 10 ; VII, 64 ; 75), Strabon, sous la forme Σεγοσιανῶν (Géographie, IV, 1, 11 ; 3, 2), Segusiaui liberi pour Pline (Histoire naturelle, IV, 107), ou encore Σεγουσῶαντοι pour Ptolémée (Géographie, II, 8, 11). De nombreuses attestations épigraphiques sont également connues.
Depuis longtemps déjà, les Éduens et les Romains entretenaient des relations amicales, auxquelles les Ségusiaves étaient partie prenante. En témoigne le fait que lors du soulèvement des Allobroges (62 av. J.-C.), les commerçants romains ayant fui Vienna (Vienne) vinrent trouver refuge à Lugudunum (Dion Cassius, Histoire romaine, XLV, 50).
● Guerre des Gaules
Dans le cadre de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), les Ségusiaves furent mentionnés à trois reprises au cours desquelles, ils firent de nouveau la démonstration de leur indéfectible fidélité. Au printemps 58 av. J.-C., César conduisit cinq nouvelles légions à travers les Alpes pour lui servir de renforts faces aux Helvètes, qui menaçaient les possessions des Éduens. Celles-ci entrèrent en Gaule celtique par le territoire des Ségusiaves (César, Guerre des Gaules, I, 10).
En 52 av. J.-C., lorsque les Éduens se retournèrent finalement contre les Romains et prirent part au soulèvement général, les Ségusiaves étaient toujours de leur côté. Ainsi, ils furent mentionnés à leurs côtés lorsque Vercingétorix ordonna aux Éduens, commandés Éporédorix, d'attaquer le territoire des Allobroges (César, Guerre des Gaules, VII, 64). Après cela, les Éduens et leurs clients, dont les Ségusiaves, fournirent un contingent de 35000 hommes aux armées de secours chargées de contraindre César à lever le siège d'Alésia (César, Guerre des Gaules, VII, 75).
● Intégration de la cité des Ségusiaves à l'Empire romain
Peu après la conquête romaine, le caractère hautement stratégique de la portion orientale du territoire ségusiave, à la confluence de la Saône et du Rhône, attisa la convoitise des Romains. Ainsi, en 43 av. J.-C., Lucius Munatius Plancus fonda la colonie Lugudunum sur leur territoire, laquelle leur servit un temps de métropole, si l'on se fie à Strabon (Géographie, IV, 1, 11 ; 3, 2).
Les Ségusiaves s'organisèrent progressivement en cité sur le modèle romain. Le statut relativement avantageux de cité libre leur fut octroyé, impliquant qu'ils étaient partiellement exonérées du paiement du tribut (Pline, Histoire naturelle, IV, 107 ; CIL 13, 8861 ; 8862 ; 8864 ; 8865). Lors de la réorganisation la Gaule transalpine par Auguste (27 av. J.-C.), la cité des Ségusiaves intégra la province de Gaule lyonnaise et peu après, vers 20-15 av. J.-C., ils installèrent leur nouveau centre politique à Forum Segusiovorum (Feurs) (Lavendhomme, 1997).
Du temps des empereurs flaviens (69-96 ap. J.-C.), la cité des Ségusiaves fut érigée au rang de colonie, comme l'atteste sa mention sous la forme COL(ONIA) FL(AVIA) F(ORO) [SEG(VSIAVORVM) sur la borne leugaire de Pommiers-en-Forez (CIL 13, 8917), érigée entre 98 et 102 ap. J.-C.
● La cité des Ségusiaves au Bas-Empire
Au cours de la dernière décennie du IIIe s. ap. J.-C., dans le cadre de la réforme provinciale de Dioclétien, la province de Gaule lyonnaise disparut en tant que telle. Le territoire des Ségusiaves fut quant à lui intégré à la nouvelle province de Lyonnaise première, mais rien ne démontre qu'il demeurait autonome à cette époque. Le développement de la cité des Ségusiaves fut notablement entravé par sa trop grande proximité avec les puissantes colonies des Lugdunenses et des Viennenses, si bien que la dernière preuve de son existence est fournie par la borne leugaire de Poncins (CIL 13, 8865), érigée en 250 ap. J.-C. A la différence des autres métropoles gauloises à la transition du IIIe-IVe s. ap. J.-C., Forum Segusiovorum ne fut pas fortifiée, ni dotée d'un évêque, ce atteste de son déclin. Cette cité fut finalement amalgamée à celle des Lugdunenses, comme en témoigne le fait que son territoire a relevé du diocèse de Lyon tout au long du Moyen-âge, et y demeura jusqu'en 1790.
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, I, 10 :"Là, les Ceutrons, les Graïocèles et les Caturiges, qui s'étaient emparés des hauteurs, veulent arrêter la marche de son armée. II les repousse dans plusieurs combats, et se rend, en sept journées, d'Océlum, dernière place de la province citérieure, au territoire des Voconces, dans la province ultérieure ; de là il conduit ses troupes dans le pays des Allobroges, puis chez les Ségusiaves. C'est le premier peuple hors de la province, au-delà du Rhône."
César, Guerre des Gaules, VII, 64 :"Les choses ainsi réglées, il (Vercingétorix) ordonne aux Héduens et aux Ségusiaves, limitrophes de la province, de lever dix mille fantassins ; il y ajoute huit cents cavaliers. Il confie le commandement de ces troupes au frère d'Éporédorix, et lui dit de porter la guerre chez les Allobroges."
César, Guerre des Gaules, VII, 75 :"Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir les Héduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarétes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes ;"
Pline, Histoire naturelle, IV, 107 :"La Gaule Lyonnaise renferme les Lexoviens, les Vellocasses, les Gallètes, les Vénètes, les Abrincatuens, les Osismiens ; la Loire, fleuve célèbre ; une péninsule remarquable qui s'avance dans l'Océan, à partir des Osis iens, dont le tour est de 625.000 pas, et dont le col a 125.000 pas de large ; au delà de cette péninsule, les Nannètes ; dans l'intérieur, les Héduens, aillés, les Carnutes, alliés, les Boïens, les Sénons, les Aulerques, surnommés Éburoviques, et ceux qui sont surnommés Cénomans ; les Meldes, libres ; les Parisiens, les Trécasses, les Andegaves, les Viducasses, les Bodiocasses, les Unelles, les Cariosvélites, les Diablindes, les Rhédons, les Turons, les Atésuens, les Segusiaves, libres, dans le territoire desquels est Lyon, colonie."
Strabon, Géographie, IV, 1, 11 :"Elle est située, [avons-nous dit,] sur le Rhône. Le fleuve descend des Alpes déjà si fort, si impétueux, que, même au sein du lac Lemenna qu'il traverse, son courant demeure visible sur un espace de plusieurs stades; il se répand dans les plaines du pays des Allobriges et des Ségosiaves, et reçoit l'Arar, près de Lugdunum, ville des Ségosiaves."
Strabon, Géographie, IV, 3, 2 :"Lugdunum est en même temps le chef-lieu du territoire des Ségosiaves, lequel se trouve compris entre le Rhône et le Doubs [lis. le Liger]. Quant aux peuples qui succèdent aux Segosiavi dans la direction du Rhin, ils ont pour leur servir de limite, les uns, le Doubs, les autres l'Arar, deux rivières qui, ainsi que nous l'avons dit précédemment, descendent aussi des Alpes et se jettent dans le Rhône, après avoir confondu leurs eaux."
"[…], fils de […], de la cité des Ségusiaves, préfet du temple de la déesse Segeta à Forum Segusiavorum, trésorier du temple des eaux de Dunisia, grand préfet de ce même temple. Le pagus[…]ublocnus […]."
Inscription de Feurs (CIL 13, 1645) C(AIO) IVL(IO) IVLLO FVNVS ET MON<V=I>M(ENTVM) CIVIT(AS) SEGVSIAVOR(VM) PVBL(ICE) PRINCIPI SVO
"À Caius Iulius Iullus. La cité des Ségusiaves (a offert) des funérailles et ce monument, (sur les fonds) publics, à son prince."
"À l'empereur César Caius Iulius Verus Maximinus, pieux, heureux, Auguste, grand Germanique, grand Sarmatique, grand Dacique, grand pontife, revêtu 3 fois du pouvoir tribunicien, consul, proconsul, père de la patrie, notre meilleur et plus grand prince. La cité libre des Ségusiaves, 1 lieue."
Borne leugaire de Feurs (2) (CIL 13, 8862) IMP(ERATORI) CAES(ARI) C(AIO) I(VLIO) VERO MAX(I)MINO PIO FELIC(I) AVG(VSTO) GERMANICO MAX(IMO) SARMATICO MAX(IMO) DACICO MAX(IMO) PONT(IFICI) MAX(IMO) TRIB(VNICIA) POT(ESTATE) III CO(N)S(VLI) PROCO(N)S(VLI) P(ATRI) P(ATRIAE) OPTIMO MAXIMOQVE PRINC(IPI) N(OSTRO) CIVIT(AS) SEG(VSIAVORVM) LIBERA L(EVGAS) II
"À l'empereur César Caius Iulius Verus Maximinus, pieux, heureux, Auguste, grand Germanique, grand Sarmatique, grand Dacique, grand pontife, revêtu 3 fois du pouvoir tribunicien, consul, proconsul, père de la patrie, notre meilleur et plus grand prince. La cité libre des Ségusiaves, 2 lieues."
Borne leugaire de Feurs (3) (CIL 13, 8863) IMP(ERATORI) CAES(ARI) C(AIO) IVL(IO) VERO MAXIMINO PIO FE(LICI) AVG(VSTO) GER(MANICO) M(AXIMO) PA(R)T(HICO) M(AXIMO) DAC(ICO) M(AXIMO) SAR(MATICO) M(AXIMO) PON(TIFICI) M(AXIMO) TR(IBVNICIA) POT(ESTATE) III CO(N)S(VLI) PROCO(N)S(VLI) P(ATRI) P(ATRIAE) O(PTIMO) M(AXIMOQVE) PR(INICIPI) N(OSTRO) ET C(AIO) IVL(IO) VERO MAXIMO GER(MANICO) M(AXIMO) NOBIL(ISSIMO) CAES(ARI) AVG(VSTI) N(OSTRI) FIL(IO) A F(ORO) SEG(VSIAVORVM) L(EVGAS) III
"À l'empereur César Caius Iulius Verus Maximinus, pieux, heureux, Auguste, grand Germanique, grand Sarmatique, grand Dacique, grand pontife, revêtu 3 fois du pouvoir tribunicien, consul, proconsul, père de la patrie, notre meilleur et plus grand prince, et Caius Iulius Verus Maximus, grand germanique, nobilissime César, fils de notre Auguste. Jusqu'à Forum Segusiovorum, 3 lieues."
Borne leugaire de Feurs (4) (CIL 13, 8864) IMP(ERATORI) CAES(ARI) C(AIO) IVL(IO) VERO MAX(I)MINO PIO FELIC(I) AVG(VSTO) GERMANICO MAX(IMO) SARMATICO MAX(IMO) DACICO MAX(IMO) PONT(IFICI) MAX(IMO) TRIB(VNICIA) POT(ESTATE) III CO(N)S(VLI) PROCO(N)S(VLI) P(ATRI) P(ATRIAE) OPTIMO MAXIMOQVE PRINC(IPI) N(OSTRO) CIVIT(AS) SEG(VSIAVORVM) LIBERA L(EVGAS) IIII
"À l'empereur César Caius Iulius Verus Maximinus, pieux, heureux, Auguste, grand Germanique, grand Sarmatique, grand Dacique, grand pontife, revêtu 3 fois du pouvoir tribunicien, consul, proconsul, père de la patrie, notre meilleur et plus grand prince. La cité libre des Ségusiaves, 4 lieues."
Inscription de Lyon (CIL 13, 1701) P(VBLIO) MAGLIO PRISCIAN(O) SEGVSIAVO PATRI PAMAE PRISCIAN(AE) [TRES PROVINCIAE GAL]LIAE
"À Publius Maglius Priscianus, ségusiave, Pama Prisciana, à son père. Les Trois Provinces des Gaules."
"Caius Ulattius […], fils d'Asper, […], ségusiave, qui parvenu chez les siens à tous les honneurs, […], Caius Ulattius […]."
Inscription de Lyon (CIL 13, 1712) C(AIO) VLATT[IO VLATTI] PRISCI FI[L(IO) ...] SACERDO[TI AD ARAM] CAESS(ARVM) N[N(OSTRORVM) APVD TEMPL(VM)] ROMAE [ET AVG(VSTORVM) INTER] CONFLV[ENTES ARARIS] ET RHOD[ANI PRIMO OM]NIVM EX [CIVITATE SEGV]SIAN[ORVM] TR[ES PROVINCIAE GALLIAE]
"Caius Ulattius […], fils d'Ulattius Priscus, prêtre à l'autel de nos Césars au temple de Rome et des Augustes du confluent de l'Arar et du Rhodanus. Au premier de la cité des Ségusiaves (parvenu à cet honneur). Les Trois Provinces des Gaules (ont élevé ce monument)."
"À Sextus Iulius Lucanus, duumvir sacerdotal de la cité des Ségusiaves. Les affranchis appariteurs Tittius, Cocillus, Arda, Cettinus, Casurinus et Atticus (ont érigé ce monument)."
"À l'empereur César, fils du divin Nerva, Nerva Traianus, Auguste, germanique, grand pontife, revêtu du pouvoir tribunicien, père de la patrie, consul […]. La colonie Flavia de Forum Segusiavorum, [… lieues]."
Borne leugaire de Poncins (CIL 13, 8865) [IMP(ERATORI) CAES(ARI) C(AIO) MESS(IO)] TRAIAN[O Q(VINTO) DE]CIO PIO [FEL(ICI) INV(ICTO)] AVG(VSTO) PON[T(IFICI) MAX(IMO)] TR(IBVNICIA) POT(ESTATE) II [CO(N)S(VLI)] II P(ATRI) P(ATRIAE) CIV[IT(AS) SEG(VSIAVORVM)] LIBER[A] L(EVGAS) II
"À l'empereur César Caius Messius Traianus Quintus Decius, pieux, heureux, invincible Auguste, grand pontife, revêtu 2 fois du pouvoir tribunicien, 2 fois consul, proconsul, père de la patrie. La cité libre des Ségusiaves, 2 lieues."
Inscription de Thessalonique (AE 1978, 731) CATTO BELLOVACI F(ILIO) DOMO SEGVSIAVO EQVITI ALAE MACED(O)NICAE EX TESTAMENTO T(ITVS) CORNELIVS T(ITI) F(ILIVS) FRONTO FACIVNDVM QVRAVIT IDEMQVE PROBAVIT
"À Catto, fils de Bellovacus, ségusiave d'origine, cavalier de l'aile Macedonica. Conformément à son testament, Titus Cornelius Fronto, fils de Titus, a pris soin de faire exécuter (ce monument) et l'a réceptionné."
"À l'empereur César Marcus Aurelius Antoninus, le pieux, favorisé des dieux, Auguste, le grand Parthique, le grand Britannique, le grand Germanique, le plus fort et le plus invincible, grand pontife, revêtu [...] fois du pouvoir tribunicien, 3 fois impérator, 4 fois proconsul, père de la patrie, le plus heureux et le plus indulgent des princes. Caius Ulattius […], prêtre de Rome et des Augustes, citoyen ségusiave, (a fait ériger ce monument) consacré aux divinités et à leur majesté."