La thérapeutique végétale est sans doute la partie la plus importante, quantitativement, de l'arsenal thérapeutique des civilisations dites primitives ; le médicament est avanmt tout une plante ou un mélange de plantes. En Bretagne continentale par exemple, le terme louzaouenn, au pluriel, signifiant les herbes, a pris le sens de "remède", et est encore communément utilisé aujourd'hui dans cette acception.
Toutefois, toutes les plantes ne sont pas curatives ; et inversement, il existe des plantes spécifiquement médicinales. Pour Pline (Histoire Naturelle XXV, 1), il existe "des plantes que la Terre ne produit que pour la médecine".
Les propriétés particulières attribuées à ces simples plantes ne peuvent s'expliquer exclusivement par leur propriétés physico-chimiques; elles relèvent aussi de la symbolique propre à chaque simple, et d'une manière plus générale, aux croyances de la culture dans laquelle ces plantes sont utilisées. En Inde, l'hymne védique connu sous le nom de Chant du médecin, raconte que, lorsque les herbes utilisées en médecine sont descendues du ciel, elles pouvaient s'adresser aux hommes.
Les Gaulois ont, comme tous les autres peuples, utilisé les plantes pour se soigner. On peut parler de phytothérapie, mais d'une phytothérapie où se mêlent empirisme et éléments magico-religieux.
En Irlande ancienne, les connaissances dans ce domaine semblaient très poussées, comme le suggère ce passage de la Seconde Bataille de Mag Tured : "Miach fut enterré par Diancecht et des plantes au nombre de trois cent soixante cinq poussèrent sur sa tombe, semblables au nombre de ses jointures et de ses nerfs. Airmed ouvrit son manteau et rangea ces plantes d'après leurs qualités" (Nous n'avons malheureusement ni le nom des plantes, ni leurs propriétés).
Pour la Gaule, les textes anciens ne permettent de recenser que soixante-deux plantes médicinales, mais il est fort probable que le nombre de plantes utilisées, était plus important.
Nous n'avons aucun texte gaulois; de plus, peu d'auteurs anciens ont parlé des plantes utilisées par les Gaulois. La plupart du temps ils ne citent que le nom gaulois de la plante, et ils mêlent sans distinction, les indications gauloises et les indications grecques ou latines. Il importera donc de garder à l'esprit, que les fiches suivantes montrent, pour chaque plante citée, une compilation des effets médicinaux connus à l'époque. Nous essaierons d'en dégager, quand cela sera possible, les traits spécifiques à la phytothérapie gauloise. Il est intéressant de noter que ces textes, rédigés par les latins et les grecs au début de notre ère, ont fait autorité, dans le domaine médical européen, jusqu'au XVIe siècle.
Les cinq principaux auteurs sur lesquels ce travail repose sont les suivants:
- Pline l'ancien (Caius Plinius Secondus, dit Plinius maior) est né à Côme en 23 ap J.C et périt en août 79, en débarquant à Stabies, lors de la seconde éruption du Vésuve qui ensevelit les villes d'Herculanum et de Pompéi. C'était un officier, fonctionnaire, historien et naturaliste romain. Il a écrit Histoire naturelle, qu'il dédia, en 77, au prince héritier Titus. Cette compilation qui annonce "20.000 faits dignes d'intérêt tirés d'environ 2.000 volumes", comporte trente-sept volumes.
- Dioscoride, Pedanius de son surnom romain. Ce médecin et naturaliste grec du premier siècle après J.C est né à Anazarbe, en Cicilie (Asie Mineure). Il voyagea beaucoup, peut-être comme médecin de l'armée romaine, et rassembla ses observations dans un grand traité Sur la matière médicale dans lequel on recense environ six cents plantes. Nous avons utilisé pour ce travail plusieurs textes, textes latins et traductions française réalisées au XVIe siècle. Nous avons, pour la plus large majorité des citations, laissé les expressions médicales de ces traductions.
- Le Pseudo-Dioscoride a annoté après coup le recueil de Dioscoride, et donne pour certaines plantes, des synonymes et parfois des traductions gauloises. Ces annotations paraissent inspirées du botaniste grec Pamphilos (Ier siècle ap J.C), mais aussi du Pseudo-Apulée et ne seraient donc pas antérieures au Ve siècle ap J.C. Elles sont généralement éditées avec le texte original de Dioscoride.
- Le Pseudo-Apulée, encore appelé Apuléius Barbarus ou Apuléius Minor, pour le distinguer d'Apulée de Madaure. On place sous ce nom de Pseudo-Apulée, l'ouvrage Herbarius, écrit au Ve siècle après J.C, qui comporte l'analyse de cent trente-deux plantes différentes. Nous avons utilisé, pour nos références, un manuscrit latin du XVIe siècle récemment réimprimé en Italie.
- Marcellus, dit de Bordeaux ou Empiricus, est un auteur gallo-romain du IVe siècle après J.C. Il a probablement vécu à Bordeaux. Il fut haut-fonctionnaire, maître des Offices du palais de l'empereur romain Théodose Ier, et peut-être médecin, puisque son ouvrage De medicamentis liber comporte une multitude de remèdes tirés des plantes et de quelques autres substances. Ce recueil était destiné à ces fils, qui trouveraient, pour chaque symptome référencé, un remède adéquat et son mode de fabrication, ce qui leur éviterait de recourir à des charlatans. R. Le Moniès de Sagazan (Une ordonnance médicale du Ve siècle en Gaule in Revue d'Histoire de la pharmacie) considère ainsi Marcellus plus comme pharmacien que médecin au sens actuel des deux termes.
Les recettes de Marcellus sont plus proches d'une réalité thérapeutique gauloise que des pratiques médicales rationalisantes grèco-romaines. En effet, il donne des exemples de formule magiques, et une de ces formules est une adresse aux Matrae (mères) gauloises (Marcellus, De medicamentis liber, X, 35)
Son oeuvre est généralement citée comme l'archétype d'une décadence médicale de l'Antiquité tardive. On pourrait fort bien renverser le raisonnement et se demander si, dans un contexte de délaissement des études, de reflux du grec, Marcellus n'a pas eu la suprême finesse, pour plus de chances d'efficacité, d'opter pour l'empirisme. Cet ouvrage n'a jamais été traduit intégralement en français.
Les anciens avaient de nombreuses dénominations pour les plantes et les descriptions botaniques qu'ils en donnent sont parfois peu claires et insuffisantes. Ceci constitue parfois un obstacle à l'identification de ces plantes. Pour la clarté de l'exposé nous avons distingué, en fonction des critères d'identification, plusieurs groupes de plantes.
• R. Le Moniès de Sagazan, Une ordonnance médicale du Ve siècle en Gaule in Revue d'Histoire de la pharmacie, XXXII, Mars 1985, pp 49-52
• Pierre Louarn pour l'Arbre Celtique